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Nouveau rapport annuel sur la qualité des eaux de baignades : à quand la prise en compte des enjeux environnementaux et sanitaires d’aujourd’hui ?

Tous à l’eau !!
D’après le dernier rapport annuel présenté par l’EEA le 28 mai dernier, 85,4% des eaux (de baignade) européenne sont d’excellente qualité. Une très bonne nouvelle dont nous nous réjouissons à l’approche de la période estivale.
Mais il y a un “mais” …
Cette année encore, les résultats ne donnent qu’une image partielle de l’état de nos sites de baignade et de loisirs dans la mesure où ils ne reposent que sur 2 indicateurs de pollution bactériologique tel que défini dans la Directive (E.choli et Entérocoque).
Tant que la directive n’évoluera pas et ne prendra en compte que ces deux critères, il sera, à notre sens, impossible d’affirmer que les baigneurs et autres pratiquants profitent d’une eau de bonne voire d’excellente qualité.

Des paramètres de classements qui interrogent face aux enjeux sociétaux actuels

L’Agence Européenne pour l’Environnement (European Environment Agency – EEA) a publié hier son rapport annuel sur la qualité des eaux de baignade en Europe.
Selon ce dernier, 85,4 % des sites de baignade européens étaient d’excellente qualité en 2023, et 96 % d’entre eux répondaient aux normes minimales.

Ainsi, d’après le rapport, les zones de baignade en Europe restent sûres mais, comme nous le regrettons et l’exprimons depuis de nombreuses années maintenant, les analyses sur lesquelles se basent la caractérisation de la qualité de l’eau ne reposent que sur 2 critères de contrôle bactériologiques et ne s’étendent généralement que sur quelques mois (durant la période estivale).
Cela ne permet en aucun cas de juger de la véritable qualité de l’eau dans laquelle nous allons, pour nombre d’entre nous, nous baigner dans les semaines à venir.

Car au delà de l’aspect bactériologique, les déchets, les proliférations d’algues nuisibles et toxiques et les contaminants chimiques (hydrocarbures, résidus médicamenteux, pesticides etc.) ne figurent toujours pas dans les paramètres officiels de suivi et de classification des zones de baignade alors même que ces différentes pollutions, en lien avec nos habitudes de consommation, ont tendance à se démultiplier.

Les récentes analyses sur la concentration élevée de substances per- et polyfluoroalkylées , également connues sous le nom de PFAS (”polluants éternels”) dans l’écume de mer aux Pays-Bas illustre aussi des préoccupations croissantes quant au risque d’exposition des usagers à ces substances nocives. Il est donc légitime de s’interroger sur les liens établis entre l’état chimique de notre milieu aquatique et marin et le classement de nos eaux de baignade. 

De plus, comme le souligne l’EEA dans son rapport, l’impact du changement climatique risque d’exacerber davantage les risques sanitaires et environnementaux liés à la pollution de l’eau. La prolifération de cyanobactéries et d’algues toxiques est ainsi reconnue comme une menace croissante pour la santé des baigneurs et des usagers récréatifs.

C’est pourquoi nous restons particulièrement inquiets pour la santé des usagers et appelons à une révision de la Directive telle que cela avait été évoqué il y a plusieurs mois. Cela permettra entre autres de disposer d’outils appropriés pour assurer le suivi et anticiper au mieux ces risques émergents, tout en communiquant au mieux auprès des citoyens.

LES 7 PROBLÈMES DE LA DIRECTIVE DES EAUX DE BAIGNADE ACTUELLE

En tant que membre du groupe d’experts européen sur le suivi de la qualité des eaux de baignade, nous avons remis à la Commission européenne, en 2021, notre manifeste européen pour des eaux saines.
Celui-ci est basé sur les 7 points problématiques majeurs de la Directive actuelle, à savoir :

La pratique récréative et de loisirs aquatiques est particulièrement populaire en Europe et va bien au-delà de la simple baignade. Surf, snorkeling, stand-up paddle etc. les pratiquant·es de ces activités nautiques sont davantage exposé·es aux risques sanitaires causés par la pollution de l’eau et ce pour plusieurs raisons :

  • leur pratique se situe souvent en dehors des zones de baignade telles que définies dans la réglementation,
  • leur temps de pratique est plus long et souvent plus fréquent.

Ce que nous demandons :
L’extension du contrôle de la qualité de l’eau aux zones de loisirs et de sport nautiques afin d’être en mesure de prévenir les pratiquants et ainsi préserver leur santé.

La période de contrôle de la qualité de l’eau de baignade telle que prévue dans la directive concernée correspond à la haute saison touristique estivale. Durant cette période, qui s’étend globalement du mois de juin au mois de septembre, les littoraux européens sont très fréquentés et les pratiques aquatiques et nautiques sont très appréciées.
Mais la période estivale n’est pas la seule période durant laquelle ces pratiques sont répandues. L’Océan est, pour beaucoup, un moyen de se ressourcer et ce tout au long de l’année. Qu’il s’agisse de la baignade, du surf, ou même des simples balades sur la plage, et il est donc important que l’ensemble des personnes qui souhaitent profiter des bienfaits de l’Océan toute l’année puisse le faire en toute sécurité.

Ce que nous demandons :
Un contrôle sanitaire de la qualité de l’eau ait lieu tout au long de l’année afin de protéger l’ensemble des usagers de la mer.

Les résultats de la consultation publique menée fin 2020-début 2021 par la commission européenne, indiquent que deux tiers des répondants considéraient ,à cette époque, que les paramètres actuels de surveillance étaient insuffisants ou pourraient être améliorés. Ils étaient également près de la moitié a considérer que les risques émergents tels que l’antibiorésistance, les microplastiques, les substances pharmaceutiques et autres contaminants émergents, n’étaient pas suffisamment pris en compte par la Directive de 2006.

Qu’il s’agisse des algues (parfois toxiques), des déchets marins (qui ne font l’objet que d’une surveillance visuelle) ou des substances chimiques (issues de l’industrie ou même plus simplement des foyers des particuliers), la présence de ces différents polluants n’est pas prise en compte dans l’évaluation et la classification des eaux de baignade alors même qu’il impactent considérablement la qualité de l’eau.

Ce que nous demandons :
L’ajout de nouveaux paramètres à surveiller :

  • La présence et la quantification des déchets sur les sites récréatifs et de baignade,
  • La prolifération d’algues nuisibles et les cyanobactéries
  • La pollution chimique des eaux de surface (la mise en place d’une liste de surveillance est nécessaire). Elle doit inclure des paramètres chimiques prioritaires reconnus comme dangereux à la liste des paramètres de surveillance actuelle.

Lorsque la qualité des eaux de baignade est “insuffisante”, les autorités disposent de différents moyens d’action parmi lesquels la mise en place de mesures destinées à éviter, réduire ou éliminer les sources de pollution. Malheureusement, cette option n’est que trop peu envisagée par les autorités qui préfèrent fermer les plages plutôt que de traiter le problème à la source dans la mesure où rien de les y oblige.

Ce que nous demandons :
Obliger les États à identifier, évaluer et mettre en place des solutions pour prévenir les pollutions à la source et ne pas donner comme option l’exclusion des sites pollués de la liste des sites de baignade.

Une enquête réalisée par Surfrider en 2019 a démontré que le grand public ne se sent pas suffisamment informé sur le sujet. De nombreux usagers déplorent le manque de mise à disposition d’informations claires et compréhensibles sur les lieux de baignades ou sur internet (sites des villes concernées ou application dédiée).
Dans la même tendance, plus de 60 % des personnes, ayant participé à la consultation publique organisée par la commission européenne, ont estimé qu’il était important, voire très important, d’être impliquées dans le processus de la révision de la directive sur les eaux de baignades (notamment en ce qui concerne l’identification des sites de baignade).

Ce que nous demandons :
Une information du public sur la qualité de l’eau plus qualitative, harmonisée, plus accessible et mieux relayée : Elle doit être claire et détaillée, proposée via l’affichage à l’entrée des sites de baignade et d’activités nautiques ou sur internet. La communication de cette information doit être ludique et simplifiée afin d’être comprise pour le plus grand nombre mais aussi offrir la possibilité à un public averti d’acquérir de la connaissance.

Si Surfrider met un point d’honneur à mettre en avant et à s’appuyer sur la science participative, c’est bel et bien car nous en connaissons la pertinence et la puissance. Et cette notion de science participative ne s’applique pas “qu’aux” déchets, il est en effet possible à travers un témoignage de nous permettre d’en apprendre plus sur les sources de pollution d’une zone précise et d’agir en conséquence.
Il est également possible de réaliser des prélèvements : certains bénévoles Surfrider participent d’ailleurs eux-mêmes à la surveillance de la qualité des eaux de leur spot de baignade ou d’activité nautique. Malheureusement ces différentes façons de participer ne sont pas encore suffisamment encouragées par les pouvoirs publics

Ce que nous demandons :
Une participation du public renforcée et encouragée. La participation du public doit faire l’objet d’une communication renforcée des Etats auprès du public. La participation des citoyens doit être encouragée, aussi bien en ce qui concerne l’établissement et l’actualisation des listes des sites de pratiques récréatives que l’identification des pollutions et des solutions possible pour y faire face.

Il existe tout un corpus de lois (Nitrates, Eaux Résiduaires Urbaines, Directive-cadre sur l’eau etc.) dont les objectifs sont d’agir sur les sources de pollution affectant nos zones de baignades récréatives. Mais bien souvent leurs mesures ne sont pas suffisamment alignées avec la gestion des zones désignées par la Directive Eaux de Baignade.

Ce que nous demandons : Une harmonisation de toutes les politiques ayant un impact sur l’eau et la protection du milieu marin. L’harmonisation des trois directives simplifierait l’évaluation de la qualité des eaux côtières en établissant un système unifié, tout en renforçant la protection de la santé des baigneurs grâce à des contrôles bactériologiques et chimiques plus complets.

Alors qu’un nouveau mandat des institutions européennes débute, nous appelons les futurs décideurs à œuvrer très rapidement pour une nouvelle Directive forte et protectrice de la santé de l’Océan et des européens.