La saison balnéaire 2020 touche à sa fin, et à cause de la crise sanitaire en cours, celle-ci fut très largement surveillée avec son lot d’ingéniosité pour garantir un accès en toute sécurité aux plages. Mais outre la COVID-19, nous ne sommes pas sans savoir que les contaminations de l’eau peuvent être diverses et fréquentes. Bactériologique, chimique, plastique… les zones de baignade sont soumises à de nombreux cas de pollution causant chaque été des fermetures en Europe, pour le plus grand désarroi des nageurs et autres pratiquants d’activités nautiques, vacanciers comme locaux. Ces fermetures impactent l’économie des territoires. En effet, les plages sont interdites à la baignade sous prétexte de protéger les usagers de la pollution. Cependant, cela pourrait être évité : des moyens techniques et des décisions politiques doivent être prises afin de traiter ce problème à la source.
De nombreux cas de pollution
Un été 2020 pas comme les autres, c’est certain. Pour la qualité de l’eau, en revanche, il n’est pas possible d’observer de changements majeurs : de nombreuses zones de baignade européennes ont encore été victimes de fermetures forcées à cause de suspicion ou de cas de pollution.
Obligatoirement contrôlée lors des périodes de surveillance estivales, la forme de pollution la plus connue est bactériologique. Cette année, on a recensé plusieurs arrêtés interdisant les activités nautiques et la baignade suite à la prolifération de cyanobactéries, par exemple sur le site du Lac de Léon dans les Landes ou sur le lac des Vieilles-Forges dans les Ardennes. Certaines de ces algues microscopiques, présentes naturellement depuis des milliards d’années dans les milieux aquatiques, peuvent être dangereuses pour l’Homme. Aujourd’hui, elles prolifèrent de manière problématique à cause de l’activité humaine et des effets liés au changement climatique.
La pollution bactériologique et les interdictions de baignade qui s’en suivent sont aussi souvent la conséquence d’orages et de fortes pluies et du dysfonctionnement ou de la vétusté de certains réseaux d’assainissement. Cet été, le cas fut observé par exemple en Bretagne où des sites de baignade ont dû être fermés après qu’une canalisation rompue dans une résidence ait entraîné le déversement dans l’océan de plusieurs litres d’eaux usées non traitées.
Et le cas s’est observé un peu partout en Europe : la célèbre plage de Nazaré au Portugal a elle aussi été fermée cet été pour cause de pollution bactériologique, tout comme les zones de baignade de la commune de San Bartolomeo al Mare ainsi que la Plage des Américains à Ragusa, en Italie.
Malheureusement, la qualité de l’eau ne devrait pas dépendre uniquement de critères bactériologiques comme c’est toujours le cas dans la Directive Eau de Baignade (2006/7/CE) en vigueur. Les risques sanitaires liés à l’exposition aux polluants et contaminants ne sont pris en considération dans aucune réglementation. A ce jour, aucun suivi chimique n’est mis en place à l’échelle des zones de baignade afin d’informer et de garantir un accès en toute sécurité aux usagers. Cet été, une pollution d’origine chimique a entraîné une fermeture à la baignade et aux activités nautiques dans le Golfe de Fos suite à une fuite de solution de chlorure ferrique au sein du site Kem One de Lavéra, à Martigues. Principe de précaution puis risque avéré, l’accès à l’eau a bel et bien été interdit. Une nouvelle preuve de l’importance de ce type de pollution, qui devrait être partie intégrante des critères de surveillance sur la qualité des eaux. A ce sujet, Surfrider Europe a porté plainte contre les responsables pour atteinte à la qualité des eaux littorales (environnement et activités récréatives) et attend des engagements forts et des actes concrets de la part des autorités compétentes.
De plus, la pollution chimique n’est pas exclusivement due à des incidents industriels de ce type. Par exemple, elle peut être la conséquence des médicaments que nous ingérons, qui ont tendance à passer entre les mailles du filet des stations d’épuration et à se retrouver, eux-aussi, dans l’Océan. Ce type de pollution, encore méconnu, ne fait pas partie non plus des critères de surveillance de la qualité des eaux en Europe. Pour comprendre les différentes formes de pollutions chimiques existantes, nous vous invitons à redécouvrir cet article dédié.
Un rapport annuel encourageant mais toujours insuffisant
En juin dernier a été publié le rapport annuel de l’Agence Européenne pour l’Environnement sur la qualité des eaux de baignade. Celui-ci montre une amélioration, notamment due à la meilleure gestion imposée par la révision en 2006 de la directive sur la qualité des eaux de baignade. Ainsi, 84,6% des 22 295 sites européens pris en compte dans ce rapport sont jugés “d’excellente qualité”.
En revanche, 294 sites sont “de qualité insuffisante” et ont donc dus être fermés durant toute la saison estivale 2020, ainsi que soumis à un dispositif spécifique imposant l’identification des sources de pollution, la prise de mesures visant la réduction de cette pollution et l’information aux usagers. Certains de ces sites, année après année, continuent cependant d’être jugés de qualité insuffisante : au bout de cinq ans, c’est une interdiction permanente qui est préconisée, ce qui fut le cas pour 55 zones de baignade en Europe en 2019, dont 36 en Italie.
Malgré ces avancées et une eau jugée globalement “très propre” en Europe, Surfrider souhaite alerter sur l’insuffisance de ces mesures et le risque encore très présent pour l’environnement et la santé humaine.
La révision de la directive sur la qualité des eaux : c’est bientôt
Bien moins visible que la pollution plastique, la pollution chimique des océans est une réalité de plus en plus importante qu’il est important de ne pas négliger. La révision de la directive sur la qualité des eaux de baignade en 2006 a déjà permis une nette amélioration de la surveillance sur qualité des eaux européennes, notamment par l’amélioration de la communication et de l’information. La mise en place de profils de vulnérabilité ou « profils de plage » a également été bénéfique car un travail d’identification et de caractérisation des sites a dû être réalisé sur l’ensemble des zones de baignade officielles. Cependant, des efforts restent à faire ; c’est pourquoi Surfrider Europe, en tant que membre du groupe d’experts de la Commission Européenne sur les eaux de baignade, souhaite faire adopter de nouvelles mesures dans le cadre de la révision de cette directive qui devrait avoir lieu entre 2020 et 2021.
L’association n’est pas seule à vouloir faire bouger les choses. Eau & Rivières de Bretagne a elle aussi souhaité faire entendre sa voix en portant plainte contre l’Etat français. La cause de cette plainte : des cas de pollution bactériologique trop souvent déguisés en “pollution à court terme” due à la pluie. Ainsi, ces cas de pollution n’intègrent pas le classement des eaux de baignade et rien n’est mis en place pour réparer le problème à la source (qui n’est, évidemment, pas la seule conséquence des fortes pluies).
Parmi les revendications de Surfrider Europe : la prise en compte de la pollution chimique dans les critères d’analyse mais aussi l’élargissement de la période de surveillance. En effet, aujourd’hui, sur la plupart des zones, celle-ci n’est obligatoire que durant les mois de juillet et août. Alors, le reste de l’année, les baigneurs et autres usagers de l’Océan sont parfois amenés à se baigner dans des eaux polluées sans même en avoir connaissance : et puisqu’il n’y a pas de surveillance, rien n’est mis en place pour limiter la pollution des eaux pendant toute cette période.
Surfrider Europe lutte au quotidien pour une meilleure surveillance de la qualité des eaux de baignade, dans le but de protéger l’Océan et ceux qui l’aiment et le chérissent. Toujours très proche de la réalité du terrain, l’association a mené au cours des derniers mois un sondage afin de récolter des données auprès des baigneurs et pratiquants nautiques, pour obtenir des preuves de la nécessité d’en faire plus pour la qualité des eaux. Les résultats de ce sondage sont à venir…