“Les citoyens français sont en colère contre le gaspillage des ressources, la surconsommation de plastiques, l’obsolescence programmée des produits et l’impossibilité de réparer leurs biens”. C’est le constat établi par le gouvernement en préambule de la loi anti-gaspillage et économie circulaire qui arrive au Sénat mardi prochain. Présentée comme le véritable tournant écologique du quinquennat, ce texte n’est pour l’instant pas à la hauteur. Les ONG engagées dans la transition écologique et solidaire appellent les parlementaires à ne pas réduire l’économie circulaire au recyclage des matériaux et à agir pour une économie inclusive qui préserve véritablement nos ressources.
Révolution ou miroir aux alouettes ?
Depuis la présentation du projet de loi, le gouvernement communique largement sur deux mesures emblématiques : le retour de la consigne sur les bouteilles et l’interdiction de destruction des invendus non alimentaires. S’il s’agit de deux demandes fortes des ONG et des citoyens, les propositions actuellement mises en avant sont trompeuses. Sur la consigne, les français plébiscitent le retour du modèle qu’ils ont connu, qui permet le réemploi de l’emballage en verre et donc la réduction de la production de déchets. Nous souhaitons que la loi donne la priorité au réemploi et sommes opposés au modèle visant uniquement le recyclage des bouteilles en plastique et canettes en aluminium, qui nous maintient dans l’ère du tout-jetable. Concernant l’interdiction de détruire les invendus non alimentaires, nous déplorons que le projet actuel laisse la porte ouverte au recyclage de produits neufs au lieu d’en assurer la réutilisation de façon systématique. Ces mesures se veulent emblématiques mais ne répondent pas à l’urgence d’endiguer le gaspillage de nos ressources.
Par ailleurs, le réemploi est en mesure de favoriser le lien social et l’inclusion autour d’activités locales. La seule réponse industrielle ne peut suffire à produire les leviers nécessaires pour faire face à la crise écologique. Ce texte doit favoriser et accompagner la puissance de l’engagement local des citoyens, privilégier des projets porteurs de sens plus que de bénéfices, et œuvrer à la réduction des inégalités par le développement d’associations impliquées sur les questions environnementales et sociales.
La lutte contre la pollution plastique, grande absente du projet de loi
Face à l’urgence et l’ampleur de la crise de la pollution plastique, nous regrettons que le texte actuel ne prévoit pas de véritable plan visant à s’attaquer à ce fléau. Le gouvernement communique sur des objectifs ambitieux de “100 % de plastiques recyclés” et de “Zéro plastique rejeté en mer d’ici 2025” mais il n’inscrit pas ces objectifs dans la loi et ne propose pas de mesures suffisantes pour les atteindre. Pour y parvenir, nous demandons notamment des actes concrets permettant de réduire la mise sur le marché des plastiques jetables à travers de nouvelles interdictions, y compris des “bioplastiques”, des objectifs de réemploi, des impératifs de recyclabilité et des mesures de prévention contre les microplastiques. Le texte doit également prévoir des mécanismes de sanction pour s’assurer du respect de ces mesures.
Vers une économie durable et solidaire qui met un terme au gaspillage des ressources
Surconsommation, suremballage, tout-jetable, obsolescence programmée… Ces aberrations ont un lourd impact sur l’environnement et nos sociétés : dérèglement du climat, effondrement de la biodiversité, pollution des milieux, creusement des inégalités. Pour sortir de l’économie linéaire, fondée sur le quadriptyque extraire-fabriquer-consommer-jeter, la loi doit provoquer des changements profonds : avoir des produits qui durent plus longtemps et afficher clairement leur durabilité, apprendre à consommer moins et mieux, garantir l’accès aux produits durables pour les consommateurs les plus modestes, en finir avec la distribution des prospectus publicitaires non sollicités, revenir aux emballages réutilisables, financer le réemploi et la réparation grâce à des fonds dédiés, etc.
En plus d’être bons pour l’environnement, ces objectifs ont la capacité de favoriser des écosystèmes économiques locaux, de petites tailles, produisant de l’emploi et du lien social. De tels objectifs profiteront aux consommateurs, notamment les plus modestes, et permettront de favoriser le développement d’une économie respectueuse des humains et de l’environnement.
Appel à la mobilisation des parlementaires
Si la population mondiale vivait comme les Français, nous aurions besoin de 2,7 planètes Terre ! Ce chiffre symbolise parfaitement la surconsommation et le gaspillage de nos ressources. Pour mettre un terme à cette situation, la France doit engager les “transformations sans précédent” que les scientifiques du GIEC appellent de leurs vœux. A nouveau, nous relayons leur alerte et appelons les parlementaires à réhausser l’ambition de ce texte et à mettre un point final au gaspillage !
Signataires
Croix-Rouge française, Halte à l’Obsolescence Programmée, Emmaüs France, France Nature Environnement, Les Amis de la Terre France, Réseau Ressourcerie France, Secours Catholique, Surfrider Foundation Europe, WWF France, Zero Waste France