En février dernier, Mare Vivu retrouvait plus de 40 000 biomédias sur seulement quelques kilomètres carrés de plage. Le tout en une seule collecte ?
Dès la fin de l’année 2020, nous avons été alertés par plusieurs riverains de la Marana (Corse, France) de la présence de grandes quantités de biomédias échoués en différents endroits de la lagune. Après avoir réalisé plusieurs repérages sur ces différents sites, nous avons décidé de mobiliser les citoyens autour d’une grosse opération de collecte sur 3 sites de la Marana, en simultané. L’objectif était, dans un premier temps, de mieux comprendre l’ampleur et la répartition géographique de ces pollutions afin de pouvoir identifier leur source potentielle. Mais le second objectif, tout aussi important, était de créer le buzz autour de cette pollution et d’informer la population, en espérant ainsi faire bouger les lignes du côté des journalistes et des élus.
Au-delà de la répartition géographique, cette collecte vous a permis d’en savoir plus sur le type de biomédias présents sur l’île : tous étaient-ils de tailles et de formes similaires ?
L’écrasante majorité des biomédias collectés lors de cette opération de février était du type K5. Les quantités étaient absolument effarantes (plusieurs dizaines de milliers de biomédias), réparties de manière très localisée, et les biomédias avaient une coloration brune très marquée. Ces trois éléments laissaient soupçonner un incident récent survenu dans une station proche utilisant précisément ce type de biomédias. Or nous n’avons retrouvé ces types de biomédias que sur le lido de la Marana, et ce depuis 2019. D’autres types sont bel et bien présents tout autour du littoral corse, parfois en quantités assez importantes : par exemple, quelques dizaines de K3 ont été retrouvés sur un même site dans le Cap Corse et ; sur une plage de la Conca d’Oru, nous avons même recensé la présence de 7 types de biomédias différents, ainsi que des milliards de « pellets » !
On comprend que ce type de pollution est devenue une des préoccupations majeures pour les membres de Mare Vivu. Comment en êtes-vous venus à vous y intéressez et quelles évolutions avez-vous pu observer depuis 2016 ?
C’est grâce à notre collaboration avec Surfrider Europe que nous nous sommes intéressés aux biomédias. Nous en trouvions régulièrement en plus ou moins grandes quantités lors de nos collectes. Cependant, la pollution survenue sur le lido de la Marana n’a rien à voir en termes d’ampleur et de gravité, même s’il y a eu depuis 2019 plusieurs vagues de quelques centaines de biomédias K5 sur la lagune. A l’heure actuelle [fin juin 2021], les quantités de biomédias K5 qui s’échouent sur la lagune sont encore impressionnantes et de l’ordre de plusieurs centaines de milliers. Mais ces biomédias atteignent désormais tout le littoral oriental de la Corse : nous en avons ainsi retrouvé de la pointe nord du Cap Corse jusqu’à l’extrême sud, à l’est de Bonifacio. Nous en avons même retrouvé en différents endroits de la côte ouest, même s’il est difficile d’établir s’il s’agit de la même source de pollution ou d’une différente.
Pour nous permettre de mieux suivre l’ampleur de ces pollutions, nous avons alors créé un réseau d’alerte citoyen ainsi qu’une carte interactive matérialisant tous les signalements effectués auprès de notre association. En à peine deux mois, nous avons dépassé la cinquantaine de signalements dans toute la Corse.
Justement, peux-tu nous en dire un peu plus sur ce réseau d’alerte ?
Les signalements via ce réseau d’alerte nous renseignent en continu sur les sites impactés par cette pollution. Ce sont, d’une part, des données de contexte extrêmement utiles, notamment en cas de démarche juridique contre le constructeur de la station. Mais elles permettent, en outre, de réagir rapidement en cas de pollution très localisée (en prévenant les agents communaux) et d’évaluer l’inertie de ces pollutions afin de mieux anticiper leur propagation.
Un bon outil pour faire pression sur les responsables de cette pollution ?
Dans le même temps, avec l’appui de Surfrider Foundation Europe, nous travaillons et échangeons régulièrement avec la Communauté d’Agglomération de Bastia et la station d’épuration de Bastia Sud qui, fort heureusement, coopèrent. Après la collecte de février, la défaillance technique de la station a été rapidement corrigée afin d’éviter de nouveaux incidents. Notre objectif est désormais de faire en sorte que les solutions mises en œuvre puissent servir d’exemple pour les autres stations du même type, susceptibles de souffrir des mêmes dysfonctionnements. Malheureusement le mal est fait, de grandes quantités ont été relarguées accidentellement en mer, et il faut s’attendre à ce que des arrivages fréquents continuent de toucher le littoral insulaire, mais aussi d’autres côtes méditerranéennes : à titre de comparaison, nous retrouvons encore régulièrement sur nos côtes des biomédias italiens rejetés accidentellement lors d’une défaillance majeure à Salerno, il y a plus de 2 ans…
Qu’avez-vous prévu pour la suite ?
Nous avons également demandé à la station de Bastia-Sud de récupérer les biomédias ramassés par les citoyens lors des collectes pour les réinjecter dans les bassins, et de faire une communication publique pour faire la lumière sur cet incident majeur. Aussi, durant la prochaine mission CorSeaCare de Mare Vivu, nous serons évidemment plus que jamais très attentifs aux biomédias, et continuerons de les recenser partout où nous les trouvons.
Merci à Pierre Ange pour ce témoignage.
Pierre Ange Giudicelli Cofondateur de l’association Mare Vivu