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Petit tour d’horizon des fausses bonnes idées sur le plastique

La pollution plastique est une crise majeure qui impacte les écosystèmes, la santé humaine et les océans.
Face à ce défi, des solutions sont souvent présentées comme des réponses idéales : recyclage, bioplastiques, nettoyage des océans ou encore plastiques réutilisables.
Pourtant, aucune de ces solutions ne s’intéressent à la racine du problème. Au contraire, elles perpétuent une logique de surconsommation, laissant croire que le plastique peut continuer à être utilisé sans conséquences.

Voici pourquoi ces « fausses bonnes idées » ne suffisent pas et pourquoi la seule solution viable est de sortir du plastique.

Le recyclage est souvent vu comme LA solution pour réduire la pollution plastique. Toutefois, il est nécessaire de nuancer quelque peu cet engouement autour du recyclage tant ses limites sont nombreuses :

  • Diversité des plastiques : Il existe plus de 4 000 plastiques différents (PVC, PET, PE, PP etc.) et plus de 16 000 substances chimiques associées à leur fabrication. Des chiffres aussi impressionnants permettent de comprendre rapidement à quel point le recyclage des plastiques est complexe. Beaucoup de plastiques, mélangés à d’autres matériaux, ne sont tout simplement pas recyclables.
  • Économie défavorable : Recycler coûte cher, tandis que la production du plastique vierge est souvent moins coûteuse pour les industriels.
  • Rendement limité : Contrairement à des matériaux comme le verre ou l’aluminium, le plastique ne peut pas être recyclé indéfiniment et sa “qualité” diminue dès lors qu’il est recyclé.
  • Trop de déchets plastique : La quantité de déchets plastiques aujourd’hui est trop importante et une grande partie des plastiques collectés pour le recyclage est en réalité exportée vers des pays en développement, où ils finissent souvent en décharges ou dans la nature.

Résultat : avec moins de 10 % des déchets plastiques produits dans le monde recyclés et des problématiques particulièrement dissuasives pour les industriels (coût, qualité etc.) le recyclage, bien que nécessaire, n’est absolument pas une solution magique pour lutter contre la pollution plastique.

Les bioplastiques sont fréquemment présentés par les industriels comme une solution écologique au problème de la pollution plastique. Leur marketing repose sur des promesses de biodégradabilité et de moindre impact environnemental.
Pourtant, ces matériaux, qu’ils soient biosourcés ou biodégradables, ne sont pas à la hauteur des enjeux et peuvent même aggraver la situation.

Pour commencer, il existe deux types de bioplastiques :

  • les plastiques biosourcés : Fabriqués partiellement à partir de matières organiques (maïs, canne à sucre…), les plastiques biosourcés ne sont pas pour autant systématiquement biodégradables ni exempts de pétrole. Ils sont très souvent préférés par les industriels au détriment des véritables alternatives durables.
  • les plastiques biodégradables : Ces plastiques sont conçus pour se décomposer, mais uniquement dans des conditions spécifiques, le plus souvent en compost industriel.

S’ils paraissent être une solution intéressante pour palier le problème de la pollution plastique, ils ne sont en réalité pas plus tendres avec l’environnement/ l’Océan que les plastiques issus du pétrole :

  • Leur impact environnemental est particulièrement important. → La production de plastiques biosourcés repose sur l’agriculture intensive, nécessitant de grandes quantités de terres cultivables, d’eau, de pesticides et d’engrais. Ces pratiques entrent en concurrence directe avec les cultures alimentaires, réduisant les ressources disponibles pour nourrir les populations. → Beaucoup de plastiques biosourcés contiennent encore des composants issus du pétrole. → La transformation des matières premières en plastique consomme énormément d’énergie, souvent issue de sources non renouvelables. → Ils contiennent souvent des additifs (des substances chimiques dangereuses comme les phtalates ou les colorants) qui peuvent ralentir leur dégradation et libérer des substances toxiques dans l’environnement.
  • Ils se dégradent dans des conditions bien spécifiques → Pour être certifié biodégradable, un plastique doit atteindre 90 % de décomposition en moins de six mois, mais uniquement dans un compost industriel, à haute température et en conditions contrôlées. Ces conditions sont très différentes de celles d’un compost domestique ou d’un milieu naturel. → Dans les océans ou les sols, où la lumière, l’oxygène et les températures sont limités, ces plastiques ne se décomposent pas et continuent de polluer. → Les plastiques biodégradables posent les mêmes problèmes que les plastiques traditionnels lorsqu’ils atteignent les écosystèmes aquatiques. Ils peuvent être ingérés par les animaux marins, s’accumuler sur les fonds océaniques et nuire à la biodiversité. → Leur fragmentation en microplastiques ne disparaît pas avec le temps, exacerbant les impacts sur la faune et la chaîne alimentaire. Par ailleurs, ces plastiques ne règlent pas les problèmes liés à la gestion des déchets et augmentent même le risque de “mauvais” comportement : en croyant que ces plastiques se dégradent naturellement, les consommateurs ont tendance à les jeter plus facilement dans l’environnement. Une fois jetés dans la nature, ils persistent tout autant que les plastiques traditionnels.
  • La substitution des plastiques par les bioplastiques ne fait que déplacer le problème → ils ne réduisent pas notre dépendance au plastique, → ils représentent un gaspillage important des ressources : produire des objets jetables, même en bioplastique, reste un gaspillage énergétique et matériel. La fabrication, le transport et la gestion de ces produits nécessitent des ressources précieuses pour un usage souvent limité à quelques minutes, → ils ne sont qu’un moyen pour les industriels de poursuivre un greenwashing acharné, sans même qu’ils n’aient à envisager un changement structurel dans leurs pratiques.

Résultats : les bioplastiques, et autres plastiques biosourcés, ne réduisent ni les impacts environnementaux, ni les problèmes de gestion des déchets posés par les plastiques traditionnels. Ils ne font que déplacer le problème, sans même faire semblant d’essayer de le régler.

Nous entendons souvent dire que nous sommes, à Surfrider, une “association qui organise des nettoyage de plage”. Mais, bien que nous adorerions que cela soit possible, il est malheureusement impossible de nettoyer ni la plage, ni l’Océan ! Pourtant, face aux millions de tonnes de plastique dans les océans, de véritable projets ambitieux de nettoyage voient le jour, à l’instar de Sea Cleaner ou encore Ocean Clean Up. Pourtant, si ces initiatives curatives sont louables, elles se heurtent à plusieurs obstacles :

  • Quantités astronomiques : Chaque année, environ 8 millions de tonnes de plastique sont déversées dans les océans. On estime que seulement 1 % des déchets plastiques flottent à la surface. Le reste, soit 99 %, se trouve dans la colonne d’eau ou s’est déposé sur les fonds marins. Ces plastiques, souvent fragmentés en micro- et nano-particules, sont invisibles à l’œil nu et quasiment impossibles à récupérer. Les profondeurs marines sont particulièrement concernées : du plastique a été retrouvé à plus de 10 000 mètres de profondeur, dans la fosse des Mariannes, l’un des endroits les plus reculés de la planète. Une fois dans ces zones inaccessibles, le plastique devient irrécupérable.
  • Fragmentation en microplastiques : Sous l’effet des éléments naturels (UV, salinité de l’eau etc.) le plastique se décompose en particules invisibles, difficiles voire même impossible à récupérer mais facilement ingérées par la faune marine, contaminant ainsi toute la chaîne alimentaire.
  • Un flux constant : Tant que la production et l’utilisation de plastique ne diminuent pas, les initiatives de nettoyage ne pourront pas compenser la production excessive de plastique et les systèmes de gestion des déchets défaillants. Chaque jour, de nouveaux plastiques entrent dans les océans via : les cours d’eau, qui transportent les déchets mal gérés depuis les terres, les activités humaines en mer, comme la pêche, le transport maritime et le tourisme ou encore les tempêtes et inondations, qui emportent les déchets terrestres vers les zones marines.

Résultats : Sans une réduction massive de la production et de l’utilisation du plastique, nettoyer les océans revient à écoper un bateau qui prend l’eau sans colmater la fuite. Ces efforts, bien que louables, détournent l’attention de la solution véritable : arrêter la pollution plastique à la source.

Dans un contexte où la réduction des déchets plastiques devient une priorité mondiale, les plastiques réutilisables sont souvent présentés comme une alternative responsable. C’est pourquoi depuis quelques mois/années, nous voyons fleurir, sur certains produits en plastique, des petites étiquettes avec la mention “réutilisable” ou “réemployable”. En prolongeant la durée de vie des objets en plastique, nous avons la sensation de répondre à la problématique de surconsommation. Mais cette solution, bien qu’intéressante en apparence, s’avère très largement insuffisante voire même complètement à côté de la plaque.

Les plastiques réutilisables désignent des produits conçus pour être utilisés plusieurs fois avant d’être jetés. Cela inclut les contenants alimentaires (boîtes en plastique, bouteilles, gobelets, etc.) et certains objets du quotidien : sacs de courses, emballages réutilisables, et autres ustensiles. Ces produits sont soi-disant conçus pour être plus résistants que leurs homologues à usage unique, mais cette durabilité est souvent limitée dans le temps et dans les usages.

  • Une durée de vie limitée Même lorsqu’ils sont conçus pour être réutilisés, ces plastiques finissent par s’user ou se détériorer, surtout lorsqu’ils sont soumis à des contraintes physiques (chocs, rayures) ou thermiques (lavages répétés, micro-ondes). Par exemple, une bouteille d’eau réutilisable en plastique ne peut être utilisée indéfiniment : des microfissures se forment avec le temps, rendant son usage peu sûr et nécessitant son remplacement.
  • La problématique des microplastiques Chaque lavage ou frottement peut libérer des particules de microplastiques, qui se retrouvent dans les eaux usées, contribuant ainsi à la pollution invisible. Les plastiques réutilisables, bien qu’ils réduisent les déchets visibles, participent indirectement à la dissémination de ces fragments dans l’environnement.
  • Des matériaux pas toujours adaptés Les plastiques réutilisables sont parfois fabriqués à partir de matériaux de qualité inférieure, limitant leur durabilité. De plus, ces matériaux contiennent souvent des additifs chimiques (colorants, plastifiants) qui peuvent migrer dans les aliments ou l’eau, posant des risques pour la santé humaine.
  • Un recyclage compliqué Lorsque ces objets atteignent leur fin de vie, ils rejoignent la filière des déchets plastiques. Cependant, leur recyclage est rarement possible en raison de leur composition spécifique ou de la dégradation du matériau au fil des utilisations. Cela signifie qu’ils finissent souvent incinérés ou mis en décharge, alimentant les problèmes de gestion des déchets.
  • Une illusion d’éco-responsabilité L’idée de réutilisation peut encourager une consommation excessive. Par exemple, des gobelets en plastique réutilisables sont parfois distribués en masse lors d’événements, donnant une fausse impression de durabilité alors qu’ils sont rarement réutilisés autant de fois que prévu. Cela revient à remplacer des produits à usage unique par des produits réutilisables, sans réduire réellement la consommation globale.

Résultats : le plastique “réutilisable” est une fausse solution à un vrai problème. Bien qu’ils prolongent la durée de vie des objets en plastique, ils ne s’attaquent pas aux causes profondes du problème, à savoir la surproduction et la dépendance au plastique.

Les fausses bonnes idées sur le plastique, comme que le recyclage, les bioplastiques, le nettoyage des océans ou les plastiques réutilisables, ne sont que des solutions partielles qui n’attaquent pas la racine du problème. Elles perpétuent une logique de surconsommation en laissant croire que le plastique peut être géré sans conséquences graves pour l’environnement et la santé humaine.

La seule solution viable est de repenser profondément notre rapport au plastique en adoptant des modes de consommation et de production plus durables. Cela passe par :

  • La déplastification, la réduction à la source de la production de plastique et l’interdiction des plastiques à usage unique, y compris les bioplastiques.
  • Le développement d’alternatives durables comme le vrac, la consigne, et les matériaux réellement réutilisables et recyclables.
  • Une responsabilisation collective, en éduquant les consommateurs et en exigeant des politiques publiques fortes pour encadrer et réduire l’utilisation de plastique.

Sortir du plastique n’est pas seulement une nécessité environnementale, c’est aussi une question de santé publique et d’équité sociale.
Agir maintenant, avec des mesures ambitieuses, est essentiel pour préserver les écosystèmes, protéger les générations futures et garantir un avenir plus respectueux de notre planète.