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Non au pillage du sable de la Côte de granit Rose en baie de Lannion

Depuis 2012, le collectif « le Peuple des Dunes en Trégor », dont fait partie le Gardien de la Côte, mène un combat contre le projet d’extraction de sable coquillier à Trébeurden (Côte d’Armor). Surfrider Foundation Europe soutient le Gardien ainsi que le collectif dans ce combat. L’ensemble des personnes s’opposant au projet a récemment publié une lettre ouverte expliquant leur positionnement : 

Non au pillage du sable de la Côte de granit Rose en baie de Lannion

Quand le dernier oiseau de la réserve naturelle nationale des Sept Iles, au large de Perros-Guirec, disparaîtra-t-il du ciel ? Quand le dernier pêcheur de la baie de Lannion remisera-t-il ses filets ? Quand les plages de sable blanc qui ourlent le littoral du Trégor laisseront-elles place à des grèves de cailloux ? Si le projet de dragage d’un haut-fond de sable coquillier situé entre des deux zones Natura 2000 censées protéger  le site de la baie de Lannion est autorisé par les pouvoirs publics, la réponse est : quelques dizaines d’années tout au plus.

Les habitants de cette extrémité ouest des Côtes d’Armor et ceux qui, côté Finistère, vivent sur les bords de la Baie de Lannion, ce « Peuple des dunes en Trégor », avec  ses élus municipaux unanimes, tous s’y opposent. Les amoureux du Trégor qui viennent de toute la France y passer leurs vacances-parfois depuis plusieurs générations- les millions de touristes qui arpentent le sentier des douaniers à Ploumanac’h et s’extasient devant les fous de Bassan de l’île Rouzic, personne ne se résigne au désastre  environnemental et économique annoncé.

Quels sont les enjeux ?

D’une part, la prospérité d’un des pays  de la  Bretagne Nord, le Trégor, assise sur l’exploitation raisonnée, pêche et tourisme, de son littoral, sur l’agriculture maraîchère et l’élevage, sur les industries nées des télécommunications dont Lannion est devenue la capitale en France. A la grande pauvreté qui a sévi jusqu’au début du XXème siècle a succédé, 100 ans plus tard, une réussite régionale exceptionnelle.

D’autre part, le projet de la Compagnie Armoricaine de Navigation (CAN), filiale du Groupe Roullier de Saint-Malo : extraire 8 millions de m3 du sable coquillier accumulé par des millénaires de sédimentation et le jeu des courants dans une dune sous-marine située par 35 m de fond à moins de 5 Km des côtes, en plein milieu de la Baie de Lannion.

On le sait maintenant : le sable est une ressource finie, non renouvelable à l’échelle humaine. Dragué en mer, il disparaît des rivages. La Californie, la Floride, la Malaisie en sont témoins comme l’a montré le documentaire diffusé par Arte le 28 mai 2013, « Le sable : enquête sur une disparition »*.  Qu’adviendra-t-il de la faune et de la flore, lorsque disparaîtra un maillon de la chaine alimentaire ? En baie de Lannion,  un minuscule poisson, le lançon, qui vit par millions dans des sables légers, tel le sable coquillier des hauts fonds, est le « fourrage » des poissons et des oiseaux marins, dont ceux qui viennent nidifier par dizaines de milliers à la réserve naturelle nationale des Sept Iles. Les hommes, pêcheurs, professionnels du nautisme, du tourisme, vivent eux aussi de cette ressource naturelle. Bénéficiaires ultimes de la chaîne de vie qui prend naissance dans les haut fonds de la baie, ils refusent l’extraction prédatrice des sables où elle prend naissance.

Avec le bouleversement des fonds sous-marins, qu’adviendra-t-il lors des grandes tempêtes telles celle du 10 mars 2008 dont la côte trégoroise porte encore les traces?

La faune sera très affectée, voire disparaîtra sur  les 4 km² de la zone d’extraction. Mais la turbidité générée par les particules fines remises en suspension et rejetées par le dragage iront se redéposer jusqu’à 100 km2 alentour, dans les zones calmes de Natura 2000 (zone d’intérêt communautaire) du pourtour de la baie menaçant d’autres écosystèmes.

Ce désastre nous le refusons

L’enquête publique, appuyée sur une étude d’impact indigente, n’apporte pas les garanties minimales d’une décision rationnelle et démocratique. Elle n’informe ni sur les solutions alternatives de lieu d’extraction ni de matériau, ni sur les effets négatifs du projet. Au nom de 29 emplois annoncés par le Groupe Roullier, les pouvoirs publics  peuvent-ils programmer la disparition de centaines d’emplois de la pêche, du nautisme et du tourisme ? Au nom de besoins allégués de sables coquillers pour amender la terre maraichère –besoins largement couverts – peut-on détruire la mer ? Le gouvernement ne doit pas se laisser prendre à l’opposition Armor-Argoat, littoral et terres, que le Groupe Roullier met en avant pour faire triompher son seul  intérêt financier.

Enfin, il serait tout de même incohérent, après avoir créé la Réserve naturelle nationale ornithologique des Sept Iles en 1912 et l’avoir protégée pendant un siècle, après avoir aidé la région à remédier aux désastreuses conséquences des marées noires du Torrey Canyon et de l’Amoco Cadiz, après s’être engagé à préserver la côte et la mer dans les deux zones Natura 2000 qui couvrent la presque totalité de la baie de Lannion, après avoir financé l’action du Conservatoire du Littoral et soutenu celle du département des Côtes d’Armor pour acheter les terres du littoral et ainsi protéger des  côtes magnifiques  du bétonnage, oui, il serait incohérent et irresponsable, de la part des pouvoirs publics, de donner à une entreprise privée l’autorisation de se livrer à une exploitation destructrice de ce milieu naturel à la sauvegarde duquel ils ont puissamment contribué .

Les fonds publics dépensés depuis 101 ans pour sauvegarder la faune et la flore de la côte nord de Bretagne, issus du produit du travail de générations de contribuables, auraient-ils  été dépensés en pure perte ?

Le sable sous-marin et la mer sont le bien de tous les citoyens. L’écosystème subtil et fragile du Trégor est l’héritage précieux du travail des générations passées dont la nôtre est comptable envers les générations futures.

Pour toutes ces raisons, nous adjurons le gouvernement de mesurer la gravité de la décision qu’il doit prendre sur la demande d’exploitation que lui a soumise la Compagnie Armoricaine de Navigation. Nous lui demandons de faire prévaloir la sauvegarde d’une région, de sa faune, de sa flore, de ses côtes, de ses habitants, sur les intérêts financiers d’une seule entreprise privée.

Nous attendons de la puissance publique qu’elle fasse triompher l’intérêt général  sur un intérêt particulier.

SIGNATAIRES

Florence ARTHAUD, Navigatrice ; Marie Claude AUMONT, Professeur de Cardiologie ; Alain BONNEC, Porte parole de Peuple des Dunes de Gâvres-Quiberon ; Allain BOUGRAIN DUBOURG, Journaliste, Président de la LPO ; Marie Germaine BOUSSER, Médecin, Professeur des Universités ; Monique CERISIER-BEN GUIGA, Sénatrice honoraire ; Jean Charpy, Président honoraire du Pays touristique Tregor Goëlo ; Geneviève DELAISI de PARSEVAL, Psychanaliste ; Denis DELESTRAC, Réalisateur du film « le sable, enquête sur une disparition » ; Marie Hélène DENNINGER, Hématologue ; Patrick JEFFROY, Restaurateur** ; Yannick LAGEAT, Professeur émérite de géomorphologie ; Gérard LANCIEN, Professeur des universités ; Ronan LE DELEZIR, Maitre de conférence ; Jeannine LE RHUN, Maitre de conférence ; Bernard LOUEDIN, Artiste peintre ; Patrick POIVRE d’ARVOR, Journaliste, écrivain ; Guillaume RAPPENEAU, Producteur ; Yves TERLAIN, Navigateur ; Patrick van EFFANTERRE, Ingénieur ; Fernand VERGER, Géomorphologue, professeur émérite à l’Ecole Normale Supérieure ; Kenneth WHITE, Ecrivain, prix Médicis étranger ; grand prix du Rayonnement français de l’Académie française.

*Le documentaire « Le sable : enquête sur une disparition » sera diffusée le vendredi 18 octobre 2013 au Campus de Surfrider à Biarritz. Pour en savoir plus rendez-vous sur le page Facebook Surfrider Campus