Nous avons déjà évoqué les écosystèmes de carbone bleu dans un précédent article, mentionnant leur rôle et leur importance dans le phénomène de captation et de séquestration du CO2.
Présents sur tous les continents (hors Antarctique), ces écosystèmes côtiers et marins sont de véritables puits de carbone et remplissent de nombreuses fonctions écologiques complémentaires, permettant d’atténuer les effets du dérèglement climatique, d’aider les populations humaines à s’adapter à ses effets et de protéger la biodiversité marine.
Cependant, ils sont extrêmement vulnérables aux effets aux effets du changement climatique (augmentation de la température de l’eau, intensification des évènements météorologiques, montée du niveau de l’eau, etc.) et aux pressions exercées par l’Homme (urbanisation, transformation des terres pour des usages agricoles, pollution (rejets agricoles (nutriments) et industriels), activités portuaires et plaisance maritime).
Comprendre et préserver ces écosystèmes est devenu un enjeu écologique mondial, essentiel pour maintenir la biodiversité, atténuer les effets des changements climatiques et s’y adapter.
Explorons en détail ces précieux écosystèmes et les défis auxquels ils sont confrontés.
Focus sur les écosystèmes de carbone bleu : qui sont-ils ?
LES HERBIERS MARINS
Les herbiers marins sont des prairies sous-marines composées de plantes à fleurs. Dotés d’un réseau racinaire (permettant notamment la séquestration du CO2 dans les sédiments), ils peuvent être soit totalement immergés, sans toutefois que cela soit trop profond afin de permettre la photosynthèse, soit en zone “intertidale” c’est à dire parfois immergés, et d’autres fois émergés, en fonction des marées.
Ils occupent
une superficie de plus
de 300 000 km2
Près de 30 % des prairies marines
ont disparu depuis la fin du XIXe siècle
Ils peuvent stocker
jusqu’à 18 % du carbone
océanique mondial
A l’échelle nationale; il existe plusieurs types de plantes aquatiques composant les herbiers marins : la zostère naine et la zostère marine, principalement situées sur les côtes de la Manche et de l’Atlantique, et la posidonie, plante endémique de Méditerranée.
Les herbiers sont particulièrement sensibles et fragiles. Or, de par leur localisation au niveau des littoraux, ils sont également très exposés aux pressions liées aux activités humaines : l’urbanisation des côtes, la pollution, les activités de pêche et de navigation non-réglementées ou encore le mouillage des navires, figurent parmi les principaux facteurs de dégradation et de destruction des herbiers marins.
Les effets négatifs engendrés sont divers : si la pollution gêne directement le processus de photosynthèse, les ancres des bateaux, jetées dans les fonds marins lors des mouillages, entrainent la destruction pure et simple des rhizomes.
On estime ainsi que 1 à 2% de la surface totale occupée aujourd’hui par les prairies sous-marines disparait chaque année et que près de 30% de ces zones (à l’échelle mondiale) ont d’ores et déjà disparu depuis la fin du XIXe siècle.
Pour approfondir le sujet, découvrez le reportage ARTE
« Les herbiers marins – Précieuses sources de vie«
LES MANGROVES
On retrouve les mangroves dans les régions tropicales et subtropicales, à la limite entre la terre et la mer. Elles sont d’ailleurs composées principalement de palétuviers, capables de se développer à faible profondeur dans un mélange d’eau douce et d’eau salée, pauvre en oxygène.
Ces forêts maritimes se révèlent être un écosystème tropical particulièrement riche et précieux.
Malheureusement, longtemps perçues comme des zones insalubres ou même hostiles (en raison de la densité de la végétation mais également de la présence de certaines espèces telles que les serpents ou encore les crocodiles), les mangroves sont considérablement menacées.
Exploitées à l’époque coloniale pour le bois, elles sont aujourd’hui encore trop souvent défraichies au profit de l’extension de terres agricoles ou la construction d’infrastructures touristiques.
Elles occupent
une superficie située entre 14 et 23 millions d’hectares
Les activités humaines auraient entraîné la destruction de près de 30% de leur surface d’origine
On observe que leur surface diminue de 2% chaque année
LES PRÉS SALÉS
Aussi appelés “schorres”, les prés salés sont des écosystèmes à la fois terrestres et marins. On les trouve principalement dans les zones intertidales (zones de balancement des marées), dans les régions tempérées du globe. Elles sont donc soumises aux marées.
Composées de plantes halophiles (adaptées à la salinité de l’eau), ces zones, un peu particulières, sont caractérisées par la présence d’un mélange d’eau salée (provenant de l’Océan) et d’eau douce (provenant de sources situées à l’intérieur des terres).
De ce fait, leur niveau d’eau, et sa salinité, varient fréquemment.
Menacés par les aménagements touristiques, portuaires, industriels ou encore par l’extension des terres agricoles, les marais salants disparaissent de 1 à 2 % chaque année.
Ils couvrent
environ 140 millions d’hectares dans le monde
Ils ont déjà perdu près de 50% de leur surface historique
On observe que leur surface diminue de 2% chaque année
Quand la conservation des écosystèmes de carbone bleu devient un enjeu écologique mondial
Les mangroves, les prés salés ou encore les herbiers marins, également appelés les écosystèmes de carbone bleu, font aujourd’hui l’objet de nombreuses études et projets de conservation ou de restauration.
Outre leur importante capacité à stocker de grandes quantités de dioxyde de carbone (à titre d’exemple, les mangroves sont capables de séquestrer jusqu’à 5 fois plus de carbone que les forêts terrestres), ces zones, à la frontière entre terre et mer, remplissent d’autres rôles considérablement utiles pour atténuer les effets du changement climatique.
🌱 Elles jouent un rôle important dans l’oxygénation et la purification de l’eau grâce à leur capacité à la filtrer, à capturer les sédiments riches en carbone et en absorbant les nutriments, les virus, les bactéries présents dans l’eau;
🌱 Elles sont des “zones tampons” en réduisant considérablement la vitesse des courants, captant et retenant les sédiments. Ainsi, ils stabilisent les fonds marins et permettent d’atténuer l’érosion.
🌱 Elles sont aussi un excellent rempart et une protection particulièrement efficace contre les conséquences des aléas climatiques, et notamment des vagues submersives, des vents violents ou même, dans le cas des mangroves, des tsunamis;
🌱 En captant et stabilisant les sédiments sur les littoraux, les écosystèmes de carbone bleu permettent d’atténuer l’érosion.
🌱 Elles sont un refuge pour la biodiversité littorale, notamment des espèces menacées d’extinction, qui viennent s’y protéger, s’y nourrir et s’y reproduire. Il s’agit, par extension, d’un important réservoir de ressources halieutiques, qui permet de maintenir une pêche soutenable dont dépendent des communautés pour leur subsistance.
Les végétaux composant les différents écosystèmes du carbone bleu, dès lors qu’ils sont en bonne santé, s’avèrent être de véritables alliés pour atténuer le dérèglement climatique et s’y adapter.
Malheureusement, si nombre d’entre eux ont une certaine faculté de résilience, il leur faut cependant un temps considérable pour repousser ou se régénérer.
Pour cette raison, leur conservation et la restauration de ces écosystèmes sont cruciales pour garantir leur rôle écologique.
Ces efforts doivent être portés par des politiques publiques ambitieuses, prenant en compte l’avis et les besoins des populations locales, pour en maximiser les effets positifs.
En protégeant ces écosystèmes, nous contribuons non seulement à la lutte contre le changement climatique, mais aussi à la préservation de la biodiversité marine et à la protection des ressources naturelles dont dépendent de nombreuses communautés côtières.