L’océan joue un rôle de stockage et de redistribution de la chaleur, permettant une température homogène sur Terre. Mais cela n’est qu’une partie des services qu’il nous rend! Il a également le pouvoir d’absorber du dioxyde de carbone, et une respiration sur deux se fait grâce à lui! Mais là encore, ces pouvoirs sont affectés par le changement climatique…
Partie 2 : l’océan, puits de carbone et fournisseur d’oxygène
Mécanisme. L’océan absorbe le dioxyde de carbone (CO2) depuis l’atmosphère selon deux procédés :
- Le procédé physico-chimique (représente 90% de l’absorption) : le CO2 est transmis à l’océan par simple dissolution du gaz dans l’eau de mer. Plus les eaux sont froides, plus la quantité de carbone absorbée est grande (le CO2 est plus soluble dans l’eau froide). Les courants froids emportent le CO2 vers le fond pour former des stocks de carbone (le carbone y est prisonnier) – exemple : dans l’Atlantique nord, à proximité de la banquise, on trouve l’un des plus grand puits de carbone au monde – ; mais une grosse partie du gaz se mélange avec le reste de l’océan.
- Le procédé biologique (représente 10% de l’absorption) :
- le phytoplancton (le plancton végétal), pour faire sa photosynthèse (et produire sa matière organique) a besoin de la lumière du soleil et du CO2. En échange, il rejette de l’oxygène (O2) dans l’atmosphère. Cette photosynthèse nous offre ainsi 50% de l’oxygène que nous respirons, soit une respiration sur deux! A sa mort, les organismes morts tombent au fond de l’océan; la matière organique qu’ils contiennent se transforment alors en pétrole ou en gaz (cette couche qui se forme au fond de l’océan s’appelle la nécromasse).
- les espèces à coquille calcaire utilisent également du carbone (les carbonates de calcium) pour fabriquer leur «squelette». Ces sédiments se transformeront plus tard en roche calcaire, comme les falaises d’Etretat!
L’océan régule notre trop-plein… de gaz! Exactement comme avec la chaleur, l’océan nous aide à modérer le réchauffement global de la planète : environ 1/3 du CO2 généré par les activités humaines depuis le début de la révolution industrielle (1800) a été absorbé – chaque année, 25% du CO2 est absorbé. Il y a ainsi moins de CO2 dans l’atmosphère. L’effet de serre, et plus généralement les conséquences sur le climat seraient donc encore plus graves si l’océan n’avait pas ces facultés.
Le problème. Aujourd’hui, l‘augmentation des rejets de CO2 par les activités humaines met en péril cet équilibre. L’océan a toujours absorbé d’énormes quantités de CO2, mais le gaz carbonique rejeté par l’homme représente un excédent considérable. L’absorption de tout ce CO2 entraîne une modification chimique des masses d’eau. Il en résulte :
- une augmentation des ions hydrogènes, responsable de l’acidification de l’océan;
- une diminution des carbonates de calcium. Les coraux et les mollusques (huitres, moules) auront donc plus de mal à construire leur squelette calcaire (voir supra).
Autres conséquences. Il a également été montré que :
- des algues munis de plaques calcaires, ou d’autres animaux à squelettes calcaires, présentent des anomalies lorsqu’ils se développent dans un milieu acidifié;
- la physiologie des poissons serait touchée, et plus précisément leur système sensoriel (ils seront par exemple incapables de détecter la présence d’un prédateur);
- de là, tous les éléments de la chaîne alimentaire sont également touchés de manière indirecte (dont l’Homme au sommet de la chaîne).
- D’autres animaux profitent de l’acidification. Par exemple, les méduses prolifèrent : un milieu acide lui permet de produire beaucoup d’oeufs; les forts apports en nutriments (rejets des stations d’épuration) et la raréfaction de ses prédateurs (à cause de nos modes de pêche) ne peuvent que lui rendre service!
Les chiffres. L’acidification a augmenté de 30% depuis 1800. Certains modèles de prédictions prévoient une augmentation de 150% d’ici 2100. Le rythme actuel de l’acidification est 10x plus rapide que pendant 55 millions d’années qui nous ont précédées. Le pH de l’océan est passé de 8,2 à 8,1.
Réactions en chaîne. L’acidification est un problème. Le réchauffement des eaux de surface en est un autre. Or, ce dernier contribue à réduire la capacité de l’océan à absorber du CO2 (le CO2 se dissout mieux dans l’eau froide). De ce fait, la concentration de CO2 dans l’atmosphère augmente et aggrave son impact sur le climat.
D’importantes questions restent en suspend. Quelle est la capacité d’adaptation du plancton face à l’acidification du milieu dans lequel il évolue ? Et celle de la faune et la flore océanique en général? Quelle est la vulnérabilité de cette machine climatique?
Zoom sur notre héros : le plancton!
Fiche d’identité. Né il y a plus de 3 milliards d’années, son nom signifie «dérive dans les océans au gré des courants». Il représente 95% de la biomasse des océans et est constitué de plusieurs dizaines de milliers d’espèces (virus, bactéries, micro-algues, cellules reproductrices, larves de poissons, micro-crustacés, etc.). L’expédition Tara a ramené un échantillon de près de 35 000 espèces, qui constituent 40 millions de gènes microbiens.
Diversité planctonique – crédits : Image: Christian Sardet/CNRS/Tara Expeditions – source : www.zmescience.com
En plus de ses fonctions de stockeur de carbone et de fournisseur n°1 d’oxygène, il nous rend d’autres services :
En mourant, la plancton libère du sulfure de diméthyle (un gaz soufré). L’oxydation de cette molécule favorise la formation des nuages au dessus des océans et donc les pluies! Ce gaz contre-carre donc l’effet de sert en réduisant les rayonnements solaires qui atteignent la Terre.
Le plancton est également le premier maillon de la chaîne alimentaire. Chaîne : plancton végétal et animal < moyens prédateurs < gros prédateurs < Homme. Chaque année, le français consomme 35 kilos de poissons, mangeurs de plancton et/ou mangeurs de mangeurs de plancton.
Et la baleine et le requin pèlerin, par exemple, se nourrissent uniquement de zooplancton.
En outre, il est utilisé en médecine pour élaborer de nouveaux remèdes.
Malgré tous ces services, il est maltraité par :
- les déchets plastiques : des chercheurs de Plymouth ont réussi à démontrer l’ingestion de plastique par le zooplancton. Ces chercheurs soulignent le fait que cette consommation rend plus difficile la reproduction et la survie des copépodes, et que les substances toxiques des déchets plastiques peuvent être transmises à l’ensemble de la chaîne alimentaire;
- l’acidification des océans due à la pollution atmosphérique;
- l’exploitations off-shore;
- l’aquaculture à grande échelle;
- l’artificialisation des milieux côtiers.
Face à ces enjeux planétaires, quelles solutions? Les chefs d’Etat ont-ils su saisir l’opportunité de la 21ème Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (COP21) pour prendre en compte la voix de l’océan, représentée entre-autre par la plateforme « Océan et Climat » (dont Surfrider fait partie) ? Et nous, citoyens, comment agir ? Suite au prochain épisode!…
Océanement vôtre,
L’antenne 76 de Surfrider
Sources : Plateforme « Océan et climat », Ressources Surfrider Open Campus, France Inter, France Info, France Nature Environnement