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Les sirènes d’alerte des conteneurs perdus

Dirk, Erich, Félix, Anne, Christina, Hercules… Les puissantes tempêtes hivernales n’ont pas laissé de répit aux côtes européennes. Elles ramènent aussi nombres de déchets divers et variés: en ce mois de janvier 2014, les côtes bretonnes et de manche sont victimes d’une pollution exceptionnelle, entre des dégazages sauvages et des conteneurs tombés à l’eau. Surfrider Foundation Europe souhaite rappeler quelques mesures déjà rapportées dans son livre blanc pour la sécurité maritime.

Pas de répit pour la Bretagne

Au large des côtes bretonnes, le trafic maritimes est intense, et les récentes tempêtes ont pu inciter certains à reprendre des vieilles habitudes : les dégazages en pleine mer. Le mauvais temps rend la traque des navires pollueurs plus difficiles, et une houle dispersant plus vite les nappes de fioul. La pollution aux hydrocarbures augmente à chaque tempête, et ce sont les oiseaux qui se retrouvent malheureusement les indicateurs malgré eux de cette pollution : le nombre d’oiseaux mazoutés retrouvés en 3 semaines depuis Noël en Bretagne est équivalent à celui d’une année « normale ». Dernier fait en date, le DENIZ-S suspecté de rejet au large du Havre le 15 janvier.

Maersk Salina
Le Maersk Salina avec ses conteneurs endommagés en route vers le Havre. Il avait perdu 45 conteneurs en octobre 2013 dans l’Atlantique, au large de l’Espagne. Crédits: Marine nationale

Mais ce n’est pas tout. Plusieurs porte-conteneurs malmenés par des conditions météos défavorables ont aussi perdu plusieurs conteneurs. Fin janvier, on en comptabilise près de 130 perdus au large de la Bretagne et leur taille correspond à celle d’un semi-remorque. Le 6 janvier au large du Finistère le porte-conteneurs danois Maersk Stepnica « perd » 33 conteneurs. Le 27 janvier 2 conteneurs du Costa Rican Star ont été repéré en perdition par la préfecture maritime de la Manche.

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Conteneur du Costa Rican Star à la dérive marqué par une balise le matin du 27 janvier 2014. Les balises cessent d’émettre le soir même, un hélicoptère de la Marine nationale est dépêché sur place pour reconnaissance. Ni les balises ni le conteneurs ne sont retrouvés, le plus probable est qu’ils aient coulé.  Crédits: Marine nationale

Alors que les équipages s’empressent de dire qu’ils  «ne contiennent aucune matière dangereuse» (quand ils le peuvent), il est oublié de préciser que les conteneurs qui s’ouvrent perdent leur chargement dans l’océan, et ceux qui restent à la surface constituent un danger pour la navigation (un conteneur du Maersk Stepnica est resté en surface deux jours).

Aucune limite pour les porte-conteneurs


Crédits: CMA-CGM Jules Verne

Si les porte-conteneurs perdent une partie de leur chargement dès qu’ils sont ballotés par des fortes houles, il faut travailler pour réduire la pollution à la source. Matières dangereuses ou pas, les contenus  sont des déchets qui se rajoutent à la pollution des océans, et qui peuvent s’échouer sur ces plages. Le problème, soulevé dans le Livre blanc de Surfrider comme risque émergent, réside dans le vide juridique qui entoure les porte-conteneurs, les conteneurs eux-mêmes, a fortiori leur perte, et leur contenu. Un conteneur à l’eau ? Sachez qu’il n’existe pour l’instant aucune loi pouvant spécifier la responsabilité des différents acteurs, ni même le statut juridique des conteneurs à l’eau : s’agit-il de déchets ou d’épaves ? Est-ce que la perte est liée à un mauvais agencement des conteneurs ? Est-ce que les conteneurs étaient mal fixés ? Trop de conteneurs ? Qui est responsable en cas d’invasion de déchets sur la plage après la perte des conteneurs ? Autant de questions qui n’ont pas pour l’instant de réponse juridique harmonisée. Le cadre juridique du transport marchandise par les porte-conteneurs restent flous (quantité, répartition, traçage, déclaration de contenu, etc). Dans ce flou s’immisce l’insécurité maritime et les pollutions.

Les « marées boites »: vers un dispositif législatif de lutte?

Avec la quantité de conteneurs aujourd’hui coulés, la Bretagne est en proie à une pollution massive. Surfrider rappelle aux sympathisants et bénévoles de ne pas toucher ces déchets, les autorités étant les seules à pouvoir procéder à la collecte et ramassage de ces déchets particuliers. Surfrider appelle ainsi les populations à être prudente en cas de contact avec ces déchets, des seringues ont en effet été découvertes en Bretagne sud (lire l’arrêté préfectoral concernant les secteurs de Gâvres, Riantec et Plouhinec).

Les porte-conteneurs constituent un risque émergent majeur, le vide juridique nécessite d’être comblé afin d’assurer un encadrement premièrement dans le chargement de ces navires, pour prévenir  et réparer les pollutions liées aux porte-conteneurs, et afin de responsabiliser ce type de transport. Le Livre blanc de Surfrider suggère 4 mesures : encadrer le transport de porte-conteneurs, notamment la traçabilité dans la législation européenne, voire internationale, clarifier le statut juridique des conteneurs perdus en pleine mer, adapter proportionnellement les moyens de réponse aux pollutions des porte-conteneurs, et renforcer les règles de mise en jeu de la responsabilité. Lors d’une intervention au Parlement européen le 29 janvier 2014, Surfrider a interpellé les députés de l’intergroupe « Mers et zones côtières » sur ce sujet.

Alban Derouet, Rédacteur environnement

LRapport Sécurité Maritime est  consultable et téléchargeable (en français, en anglais et en espagnol) sur le site calameo.com.