Le transport maritime couvre aujourd’hui 90% du flux de marchandise mondiale. Pour maintenir la cadence, les armateurs construisent des navires de plus en plus colossaux. Problème, cette nouvelle forme de gigantisme est loin d’être sans danger pour l’environnement marin. Elle est à l’origine d’une pollution peu connue du grand public, les conteneurs à la dérive. A ce propos, le commerce par bateau constituent l’une des trois principales préoccupations exprimées par les citoyens lors de la consultation Voice for the Ocean menée par Surfrider Foundation Europe en vue des élections européennes de 2019.
Plus de conteneurs, plus de risques
L’essor de cette activité maritime s’illustre par l’émergence des porte-conteneurs dont les flottes ne cessent de s’agrandir avec des capacités de chargements multipliées par 10 en 40 ans. C’est ainsi que pour l’année 2016 ce ne sont pas moins de 130 millions de conteneurs qui ont sillonné le globe. Des conteneurs davantage sollicités pour répondre à la forte demande, ce qui provoque une accélération de l’usure. Les cargaisons en surcharge non déclarée sont récurrentes et les normes ISO requises ne sont pas forcément respectées. Une étude effectuée entre 1996 et 2002 auprès des pays membres de l’OMI révélait que 9% des conteneurs inspectés présentaient des déficiences structurelles. Ce sont autant d’erreurs qui peuvent amener à un déséquilibre des chargements.
Le facteur humain rentre également en jeu. Une certaine pression est exercée sur les chargeurs finaux ce qui contribue à la réduction du temps dédié à quai aux contrôles de l’arrimage et au détriment d’un service qualitatif et vigilent sur les fixations des conteneurs. Ces fixations jouent un rôle primordial dans le maintien des modules entre eux. Les cargos par leur longueur sont davantage exposés au roulis paramétrique. Une mer agitée suffit donc souvent à rompre ces lignes de vies essentielles.
Une menace réelle pour l’environnement marin
Il est vrai que face au grand nombre de conteneurs expédiés chaque année, les pertes paraissent minimales. Cependant, chaque conteneur est un gisement potentiel de pollution. Par lui-même, le conteneur peut écraser et étouffer les habitats et espèces benthiques, mais également devenir un récif artificiel favorisant la prolifération d’espèces invasives. Son revêtement anti-corrosifs [poudre de zinc] est également néfaste pour l’environnement marin.
Bien évidement, les matériaux et substances transportés représentent une grande menace. Le dernier exemple en date, le naufrage du Grande America le 12 mars dernier à bord duquel étaient stocké entre autres 720 tonnes d’acide chloridrique, 25 tonnes de fongicide.
Surfrider Foundation Europe en action
Depuis 2014, Surfrider Foundation Europe mène des études sur ces pertes afin de les quantifier et d’identifier leurs impacts ainsi que leurs origines. Cette enquête menée de front sur la base de faits vérifiés, expose les grandes tendances de ce phénomène réel, mal connu. Un suivi unique puisque les déclarations de pertes de conteneurs ne sont malheureusement ni formatées, ni obligatoires à ce jour.
Surfrider Europe souhaite créer une transparence sur les pertes avec la mise en place d’un système de déclaration obligatoire et faciliter la traçabilité et visibilité des conteneurs pour leur récupération, notamment pour les transports de matières dangereuses. De plus, il est nécessaire de clarifier le statut juridique des conteneurs perdus dans l’optique d’établir les responsabilités afférentes. Enfin, prévenir les pertes et la sur accidentologie par des mesures de sécurité sur les navires et les quais. De nombreuses actions concrètes comme le bannissement des cargos sous-normes, la limitation du transport en ponté, les contrôles inopinés sur les arrimages entre autres peuvent être menées.
La mission de Surfrider Europe doit permettre de démontrer la nécessité et l’urgence d’adopter des mesures globales européennes et internationales pour prévenir et déclarer ces pertes. Cette pollution maritime doit être perçue comme à part entière afin de pouvoir sanctionner le transporteur négligent.