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La directive Single Use Plastic : bilan à mi-parcours

Six ans après le début de la mise en œuvre de la directive sur les plastiques à usage unique (SUP) dans les États membres de l’Union européenne, la Commission européenne s’apprête à évaluer son efficacité.
Prenant un peu d’avance sur ce calendrier, l’alliance Rethink Plastic, en partenariat avec le mouvement Break Free From Plastic, dont Surfrider Foundation fait partie, a réalisé, fin 2024, une évaluation approfondie de l’application de la directive. L’analyse proposée par la coalition d’ONG s’appuie sur les précédents rapports de suivi publiés depuis 2019 ainsi que sur des études récentes menées par ses membres à l’échelle nationale.
Elle a donné lieu à un rapport ayant pour objet l’efficacité des mesures SUP adoptées, mettant l’accent sur celles ayant généré les impacts les plus significatifs et favorisé la diffusion de bonnes pratiques sur le terrain. Enfin, la coalition, dans son rapport, propose une série de recommandations pour contribuer à l’évaluation et à l’amélioration de la directive à l’échelle européenne.

Depuis juillet 2021, une directive européenne interdit la mise sur le marché (au sein de l’Union européenne) de nombreux articles en plastique à usage unique, c’est à dire, conçus pour être jetés rapidement après usage. Parmi eux les couverts, les pailles, les cotons-tiges ou encore les “touillettes” en plastique sont quelques exemples bien connus.
Elle inclut également les plastiques oxodégradables, qui se décomposent en microparticules persistantes, plusieurs contenants en polystyrène expansé mais aussi, depuis 2021, es plastiques biodégradables et les emballages recouverts de films plastiques. Enfin, elle vise à améliorer le recyclage des bouteilles en plastique. Les États membres doivent aussi mettre en place des mesures pour réduire la consommation d’autres produits en plastique, tels que les gobelets, les récipients alimentaires destinés à une consommation immédiate (hors polystyrène) et les contenants pour boissons.

La directive prévoit enfin des actions de sensibilisation des citoyens, encourageant des habitudes de consommation responsables. Elle impose un marquage obligatoire sur certains produits, comme les articles hygiéniques ou les lingettes humides, pour indiquer la présence de plastique et fournir des instructions de recyclage. De plus, elle élargit la responsabilité des producteurs, instaurant le principe du “pollueur-payeur” : les fabricants doivent financer la gestion et le nettoyage des déchets issus de leurs produits.

Par ailleurs, le nouveau règlement européen sur les emballages (PPWR) a récemment étendu la liste des restrictions de la directive SUP, en y ajoutant des articles tels que les protections en mousse pour le transport, les films plastiques pour bagages en aéroports et les anneaux en plastique pour les emballages groupés.

Plusieurs États membres ont pris des initiatives ambitieuses allant au-delà des restrictions imposées par la directive européenne sur les plastiques à usage unique (SUP). La Belgique, la France, la Grèce, le Portugal et l’Espagne se distinguent en ayant élargi les interdictions de certains plastiques à usage unique utilisés dans le secteur de la restauration.

En parallèle, le Danemark, la France, la Roumanie et l’Espagne figurent parmi les précurseurs en matière d’intégration des bouchons attachés aux bouteilles en plastique, une exigence récente mais essentielle pour éviter la dissémination des bouchons dans l’environnement.
En Espagne, cette mesure est déjà en application pour les bouteilles destinées à la consommation immédiate, et elle s’accompagne de campagnes de sensibilisation à l’importance de leur recyclage. En France, la généralisation des bouchons attachés s’inscrit dans une série de mesures plus larges visant à promouvoir des produits conçus pour être moins polluants, tout en sensibilisant les consommateurs au rôle qu’ils peuvent jouer dans la gestion des déchets plastiques.

Ces initiatives démontrent que certains pays non seulement respectent les exigences de la directive, mais vont au-delà en adoptant des politiques nationales ambitieuses pour répondre aux défis spécifiques de la pollution plastique. Ces efforts créent des exemples de bonnes pratiques susceptibles d’inspirer d’autres États membres, contribuant à accélérer la transition vers une gestion durable des plastiques à l’échelle européenne.

Certains États membres peinent à mettre en œuvre efficacement les dispositions de la directive, affichant des ambitions limitées ou des retards importants. La Roumanie et la Hongrie, par exemple, montrent un manque de progrès significatif, avec peu d’initiatives visant à réduire l’utilisation des plastiques à usage unique au-delà des obligations minimales imposées par la directive. En Roumanie, les campagnes de sensibilisation sont rares, et les efforts de mise en conformité reposent principalement sur les règlements existants, sans mesures proactives pour encourager des solutions alternatives.

Chypre et la Grèce figurent également parmi les retardataires. Leur application des interdictions prévues par la directive est relativement laxiste : malgré l’entrée en vigueur de l’interdiction des produits tels que les pailles et les couverts en plastique, ils restent encore largement disponibles sur le marché. En Grèce, des inspections insuffisantes et des systèmes d’application peu rigoureux permettent la distribution continue de ces produits interdits, notamment dans les zones touristiques où la demande pour des solutions à usage unique reste forte.
À Chypre, l’absence de mécanismes d’exécution efficaces et le manque de sensibilisation du public compliquent encore davantage la transition vers des alternatives durables.

Ces lacunes soulignent la nécessité d’un renforcement des capacités de mise en œuvre et de contrôle dans ces pays. Sans des efforts coordonnés et des actions supplémentaires, ces États risquent de freiner les avancées collectives de l’Union européenne vers une réduction substantielle de la pollution plastique.

Malgré les avancées réalisées grâce à la directive SUP concernant l’interdiction de nombreux produits superflus, les efforts de sensibilisation sur les impacts environnementaux des plastiques restent inégaux et insuffisants dans plusieurs pays. Dans certains États membres, les campagnes d’information à destination du grand public sont peu fréquentes ou manquent d’impact, limitant la compréhension des citoyens sur les enjeux liés à la pollution plastique et leur rôle actif dans cette transition.
C’est notamment le cas dans des pays comme Chypre, la Bulgarie ou la Pologne, qui peinent à mettre en place des campagnes efficaces pour encourager des habitudes de consommation responsables et se limitent souvent à des actions ponctuelles, sans stratégie de communication cohérente ou à long terme.

À l’inverse, d’autres États membres, comme le Portugal et l’Allemagne, se démarquent par des initiatives innovantes comme des campagnes déployées pour inciter les consommateurs à adopter des récipients réutilisables dans les services à emporter, avec des programmes pilotes soutenant les commerçants locaux (au Portugal) ou encore un système national de consigne, complété par des messages éducatifs réguliers pour encourager le recyclage et la réduction des déchets plastiques (en Allemagne).

Cependant, dans l’ensemble, la directive n’a pas encore pleinement réussi à instaurer une prise de conscience généralisée sur les conséquences des plastiques sur les écosystèmes marins, la biodiversité et la santé humaine. Cette lacune souligne l’urgence de renforcer les initiatives éducatives dans les États membres moins avancés et de mettre en œuvre des campagnes transnationales coordonnées pour sensibiliser le public européen de manière plus efficace.

Le marquage des produits en plastique à usage unique a été correctement mis en œuvre dans la majorité des États membres. Ce marquage joue un rôle essentiel dans la sensibilisation des consommateurs à la présence de plastique et à la manière appropriée de les recycler ou de les éliminer. Cependant, certaines pratiques trompeuses continuent de poser problème, notamment lorsque des produits jetables sont présentés comme « réutilisables », alimentant des stratégies de greenwashing et créant une confusion chez les consommateurs.

Par exemple, dans certains pays comme la Belgique et l’Italie, des articles en plastique tels que des couverts et des assiettes jetables ont été commercialisés avec des étiquettes affirmant qu’ils sont « réutilisables », bien qu’ils ne respectent pas les critères définis par la directive SUP. Ces allégations induisent les consommateurs en erreur, leur faisant croire qu’ils achètent des alternatives durables alors qu’il s’agit en réalité de produits à usage unique, souvent conçus pour une utilisation unique avant d’être jetés.

Ces exemples montrent que, bien que le marquage soit globalement efficace, des efforts supplémentaires doivent être envisagés pour prévenir le greenwashing : contrôles réguliers des allégations sur les produits, sanctions renforcées pour les pratiques trompeuses mais aussi meilleure communication auprès des consommateurs pour les aider à distinguer les articles véritablement réutilisables des produits jetables déguisés.

Plusieurs pays de l’Union européenne ont fixé des objectifs ambitieux pour réduire la consommation de plastiques à usage unique d’ici 2030, notamment le Portugal, qui vise une réduction de 90 %, et la France, qui s’est engagée à atteindre 100 % de réduction pour les emballages en plastique. Ces objectifs témoignent d’une volonté politique forte de diminuer la dépendance aux plastiques et de favoriser la transition vers des alternatives durables.

Cependant, malgré ces ambitions, les mesures concrètes pour atteindre ces objectifs restent souvent insuffisantes ou inégalement mises en œuvre et on observe, dans de nombreux pays, des dérogations et des retards.

Ces lacunes montrent la nécessité d’élaborer des plans d’action plus précis, incluant des mesures incitatives pour les entreprises et les consommateurs, des obligations réglementaires renforcées et des investissements dans les infrastructures nécessaires à la réutilisation.

Crédit : MART PRODUCTION via Pexels

La France se distingue comme l’un des pays les plus engagés dans la mise en œuvre de la directive SUP, notamment grâce à l’adoption de certaines mesures impactantes parmi lesquelles :

💪 La réduction de 20 % les emballages plastiques à usage unique d’ici fin 2025, en partie grâce au recours au réemploi et à la réutilisation. (La France a notamment été le premier pays membre de l’UE à fixer des objectifs ambitieux pour la période 2021-2025).
Par ailleurs, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) adopté en 2020, prévoit la fin progressive de tous les emballages plastiques à usage unique d’ici 2040.

💪 L’interdiction des articles en plastique à usage unique en France est intervenue six mois avant l’échéance européenne.

💪 L’interdiction, depuis 2021, pour les entreprises de fournir de bouteilles d’eau gratuites à leurs employés ou clients.

💪 L’interdiction, depuis le 1ᵉʳ janvier 2023, pour les chaînes de restauration rapide de proposer de la vaisselle jetable pour la consommation sur place.

💪 La France est également l’un des rares pays à aller au-delà des exigences européennes en interdisant les sacs plastiques légers (de 0,015 à 0,05 mm d’épaisseur).

Malgré ces avancées, des lacunes subsistent dans la mise en œuvre.
De nombreuses chaînes de restauration rapide continuent d’offrir des articles jetables, notamment pour la vente à emporter, qui n’est pas couverte par l’interdiction des emballages à usage unique pour la consommation sur place. Une enquête menée en novembre 2021 par l’association No Plastic In My Sea a également révélé que peu d’enseignes respectent les dispositions visant à permettre aux consommateurs de se servir de contenants réutilisables ou à appliquer les réductions financières prévues par la loi. Ces observations soulignent le besoin d’un contrôle plus rigoureux et d’une meilleure sensibilisation des entreprises et des citoyens.

Les inspections menées par la DGCCRF en 2021 ont également montré que 19 % des établissements commercialisant des produits en plastique à usage unique ne respectaient pas leurs obligations, en particulier concernant les sacs plastiques. Cela met en évidence la nécessité de renforcer les mécanismes de contrôle et les sanctions pour garantir une application effective des lois en vigueur.

La directive sur les plastiques à usage unique constitue un outil crucial pour réduire la pollution plastique, mais elle présente encore des lacunes qui nécessitent des ajustements.
Pour renforcer son efficacité, Rethink Plastic Alliance propose plusieurs mesures visant à élargir son champ d’application et à répondre aux défis persistants.
Parmi les recommandations figurent :

🎯 l’instauration d’objectifs de réduction pour les gobelets et les contenants alimentaires à usage unique, qui représentent une part importante des déchets municipaux et sont encore largement incinérés ou mis en décharge,

🎯 l’interdiction des mégots de cigarettes, qui sont parmi les déchets les plus fréquents dans les environnements marins et urbains, ainsi que de certains produits sanitaires comme les tampons et applicateurs en plastique, en promouvant des alternatives réutilisables et sans substances toxiques,

🎯 l’élimination progressive des emballages complexes et multicouches, tels que les cartons de boissons qui sont difficiles à recycler, au profit d’alternatives réutilisables,

🎯 la promotion de solutions durables pour les équipements de pêche et d’aquaculture, tels que les filets ou bouées en plastique, qui représentent une source majeure de pollution marine,

🎯 la prise en compte des nouveaux produits problématiques tels que les cigarettes électroniques jetables, dont la consommation en hausse aggrave la pollution

🎯 le renforcement des interdictions des emballages à base de polystyrène (notamment au-delà des contenants alimentaires).

Enfin, des produits comme les lingettes humides et les sachets et emballages souples nécessitent une inclusion dans les régimes de responsabilité élargie des producteurs (EPR) pour couvrir les coûts de collecte et de traitement. Rethink Plastic insiste aussi sur la nécessité d’améliorer la gestion des déchets liés aux équipements de pêche, avec des obligations de transparence pour les producteurs et des initiatives éducatives pour les pêcheurs.

Ces propositions visent non seulement à combler les lacunes actuelles, mais aussi à garantir que la directive SUP contribue pleinement à la réduction des plastiques à usage unique tout en soutenant une transition vers des pratiques durables à l’échelle européenne.

Six ans après son adoption, la directive sur les plastiques à usage unique s’impose comme un outil essentiel pour lutter contre la pollution plastique dans l’Union européenne.
Cependant, son évaluation par la Commission européenne, prévue en 2025, représente une étape cruciale pour en analyser les lacunes et les défis rencontrés.
Cette révision pourrait non seulement permettre d’élargir les restrictions actuelles, mais aussi de renforcer son efficacité en tenant compte des évolutions récentes, comme celles introduites par le règlement européen sur les emballages (PPWR).

Pour que la directive reste un levier clé dans la transition vers une économie circulaire et un environnement sans pollution plastique, elle devra s’adapter aux nouveaux enjeux, intégrer des objectifs plus ambitieux, et cibler des produits émergents ou insuffisamment réglementés. En ajustant son champ d’application, l’UE pourra consolider son rôle de leader dans la lutte mondiale contre les plastiques à usage unique, tout en renforçant la cohérence et l’impact des mesures adoptées par les États membres.

Pour plus d’informations : Directive (UE) 2019/904 sur les plastiques à usage unique : lien ici.