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Faut-il interdire la cigarette sur nos plages ?

Début de printemps difficile pour les fumeurs, au Nord comme au Sud ! Alors qu’un décret promulgué fin mars dernier double l’amende infligée à ceux qui jettent leurs mégots (parmi d’autres ordures) dans les rues de Paris, la mairie de Biarritz a annoncé le 20 avril la création d’ « espaces sans tabac » dans la ville. Cette décision a été confirmée ce matin. La désignation « espace sans tabac » correspond à un label créé par la Ligue contre le Cancer et Biarritz sera l’une des premières villes à l’employer. C’est une première sur la côte basque : parmi les espaces ciblés, on compte la plage du Port-Vieux, plutôt familiale et proche du centre-ville. En dehors de la lutte contre le tabagisme en tant que problème de santé publique, la mesure pose la question de la lutte contre les déchets sur nos plages : les mégots de cigarette comptent en effet parmi les déchets les plus courants et sont extrêmement polluants. Quels sont les meilleurs moyens de mener ce combat ?

 

Les mégots de cigarettes, une réelle menace pour l’environnement

Comme le fait valoir Surfrider lors de ses diverses opérations de sensibilisation, les mégots comptent parmi les déchets les plus retrouvés lors des Initiatives Océanes et plus généralement en mer. Composés de matières résistantes et lentes à se dégrader (matières plastiques…), ils sont pourtant très souvent jetés à terre : emportés dans les égouts, ils suivent alors le cycle de l’eau, échappent aux stations d’épuration grâce à leur petite taille et rejoignent la mer. Le nombre de mégots et autres produits liés au tabac (paquets de cigarettes, briquets) jetés dans les rues a d’ailleurs considérablement augmenté depuis l’interdiction de fumer dans les lieux publics (2008) et en 2014, les bénévoles Surfider ont pu en ramasser des quantités impressionnantes : 8000 mégots en deux heures à Six-Fours et 25000 en trois heures à Marseille.


A Paris, lors des Initiatives Océanes 2015, non moins de 9500 mégots ont été collectés sur les bords du canal Saint-Martin.

Dans l’eau, les mégots ne restent jamais inoffensifs. Contenant plus de 4000 composés chimiques nocifs (arsenic, métaux lourds…) ainsi que des restes de tabac, ils peuvent polluer chacun jusqu’à 500 litres d’eau ! Le fait qu’ils se décomposent peu à peu et deviennent invisibles à l’oeil n’y change rien, pas plus que la fausse solution des mégots « biodégradables » : comme la plupart des matières qui portent ce nom, ils ne font que se réduire plus vite que les autres en petites particules. Cela ne diminue en rien leur nocivité, entre pollution chimique de l’eau et ingestion par les animaux : c’est pourquoi Surfrider en a fait l’un des symboles de son combat contre les déchets aquatiques lors des Initiatives Océanes 2015.

L’interdiction est-elle la meilleure réponse ?

Depuis l’instauration de plages sans tabac en 2011 par la ville de La Ciotat, près d’une dizaine de communes ont suivi le mouvement. Biarritz prête attention au problème depuis déjà plusieurs années et à cet égard, l’annonce ne peut être vue que comme une nouvelle avancée dans la prise de conscience collective. Toutefois, le fait que l’interdiction s’applique à la petite plage du Port-Vieux, fréquentée par de nombreuses familles, et qu’elle soit affiliée à la Ligue contre le cancer, nous rappelle que la préoccupation de la mairie est au moins autant sanitaire qu’environnementale.

Or ces deux aspects pourraient gagner à être plus clairement distingués pour être menés chacun au mieux, et bien se compléter. Si, comme nous l’évoquions plus haut, les fumeurs parisiens pourront bientôt recevoir une amende doublée, la ville de Paris s’engage aussi à installer 30000 cendriers de rue. De même, à Biarritz, « il est indispensable que cette prise de conscience soit élargie à l’échelle de la ville et ce jusqu’aux terrasses des bars et restaurants où les mégots s’accumulent… à quelques pas de la plage. » (Philippe Bencivengo, chargé de mission Qualité de l’Eau et Santé, Surfrider Foundation Europe). Sans quoi l’interdiction deviendrait à la fois le dernier recours et le seul !

Ainsi la mesure prise par la mairie, qui fait le choix de porter atteinte aux libertés individuelles, ne doit pas faire oublier l’essentiel : la sensibilisation auprès de tous les publics. Que l’on approuve ou non l’idée d’une interdiction localisée, qui semble plus défendable du point de vue sanitaire qu’environnemental, l’action de la mairie doit à présent se porter sur un appel au civisme. Appeler à l’utilisation de cendriers de poche, installer davantage de poubelles aux abords des plages : autant d’idées qui prolongeraient cet engagement en répandant les bons gestes.

Vous voulez en apprendre plus sur les mégots et agir? N’hésitez pas à consulter le site Internet des Initiatives Océanes pour consulter nos outils pédagogiques, rejoindre une collecte de déchets ou organiser la vôtre !

Edouard Benichou, rédacteur Environnement