Dans un peu moins de 110 jours, la France, et plus particulièrement Paris, seront sous les projecteurs à l’occasion du lancement des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024.
Et dans un peu plus de 110 jours, de nombreux athlètes, les meilleur·es de leur discipline, se jetteront dans de la Seine lors de différentes épreuves de sports nautiques.
Si nombre d’entre elleux sont principalement concentré·es sur l’obtention d’une médaille et songent simplement à réaliser leur plus grand rêve d’athlète, il n’en est pas moins que tou·tes risquent de devoir s’affronter dans les eaux polluées de la Seine.
Inquiète pour leur santé, l’association Surfrider décide de réagir et publie une lettre ouverte en direction des parties prenantes impliquées dans l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et du plan baignade 2025.
Qualité des eaux de baignades et santé des usagers : l’un des combats majeurs de Surfrider
Particulièrement préoccupée par la qualité des eaux de baignades et récréatives (paddleboard, nage libre etc.), Surfrider Foundation suit de près cette thématique depuis plus de 20 ans.
L’association est d’ailleurs membre du Groupe d’Experts auprès de la Commission Européenne sur la Directive Eaux de Baignade.
De nombreuses personnes sont mobilisées en interne sur le sujet et s’occupent de la mise en place de suivis environnementaux et sanitaires annuels permettant de mieux caractériser la qualité des eaux de surface de loisir. Les résultats obtenus offrent à l’équipe plaidoyer des éléments particulièrement utiles venant appuyer les demandes formulées aux décideurs politiques quant à la nécessité d’une révision ambitieuse de la Directive Européenne sur les Eaux de Baignade.
💡 FOCUS SUR LA QUALITÉ DE L’EAU EN EUROPE
La qualité de l’eau en Europe est encadrée par deux textes :
– la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) – qui suit tout un nombre de paramètres y compris chimique,
– et la Directive Européenne sur les Eaux de baignades.
Dans le contexte présent des JOP de Paris, si la qualité de l’eau de la Seine est encadrée par la DCE, c’est pourtant bien le texte de la Directive sur la Qualité des eaux de baignade qui encadre les eaux dans lesquelles les sportifs vont passer les épreuves.
Or, celui-ci ne prend en compte que très peu de critères et notamment des critères bactériologiques alors même que de nombreuses autres pollutions sont à surveiller aujourd’hui. Ainsi, ni la quantité de déchets aquatiques, ni les polluants chimiques ne sont quantifiés pour participer à l’établissement du classement. Seule la présence de deux bactéries fécales (Entérocoques et Escherichia coli) est analysée et permet de définir la qualité de l’eau comme étant Excellente, Bonne, Suffisante ou Insuffisante.
→ Découvrez le Manifesto “Pour la qualité des eaux de baignades et récréatives en Europe” rédigé par Surfrider.
La Seine, un “spot” particulièrement pollué
Surfrider est à ce jour, la seule association travaillant sur la qualité de l’eau et la santé des usagers à l’échelle européenne. C’est notamment dans ce cadre que, depuis plus de 6 mois, elle réalise des prélèvements réguliers dans la Seine afin de surveiller la qualité bactériologique de l’eau. Les prélèvements bi-mensuels sont réalisés au niveau du Pont de l’Alma et du Pont Alexandre III ; tronçon où se dérouleront les épreuves de triathlon, de natation marathon, et du paratriathlon. En tout, plus de 14 prélèvements ont été effectués et envoyés au laboratoire pour analyse.
Ces prélèvements permettent à l’association de connaitre les concentrations en E. coli et en entérocoques ; bactéries intestinales et formidables indicateurs d’une pollution d’origine fécale. Il ressort que sur ces 14 prélèvements, réalisés aussi bien à la suite de fortes pluies que par des journées ensoleillées, seul 1 a permis à notre équipe de conclure à une qualité ne serait-ce que satisfaisante de l’eau de la Seine à cet endroit donné.
Conformément à la directive mentionnée précédemment, ces résultats ne reposent que sur 2 types de bactéries. Les autres types de pollutions (chimiques, biologiques etc.) ne sont pas pris en compte par la directive dans la définition de la qualité des eaux de baignades.
Il apparait donc clairement que les athlètes qui se lanceront dans les épreuves olympiques et paralympiques prévues dans la Seine vont nager dans une eau polluée et prendre des risques importants pour leur santé. Tout comme les courageux qui saisiront l’opportunité de se rafraichir dans les eaux fluviales de Paris à l’été 2025 tel qu’annoncé dans le cadre du Plan baignade par la Mairie de Paris.
Où en sont les projets destinés à rendre la Seine baignable ?
Dès octobre 2023, Surfrider a partagé avec la Mairie de Paris ses résultats d’analyses bactériologiques réalisées sur la Seine. L’association a également proposé aux équipes des différentes parties prenantes de les accompagner de façon constructive et concertée afin de garantir une eau de bonne qualité pour les athlètes mais aussi pour les futurs baigneurs. A cette occasion la Ville de Paris a présenté les actions entreprises ou envisagées pour parvenir à la réduction des pollutions aquatiques et garantir une Seine baignable.
💡 QUELLES SONT LES PRINCIPALES SOURCES DE POLLUTION DE LA SEINE ?
Les sources de pollution du fleuve sont multiples :
→ Les ruissellements et les dysfonctionnements des stations d’épuration en amont de la zone d’épreuves (pouvant être provoqués par les flux entrants importants en période de fortes pluies)
→ Les péniches et les logements non raccordées aux réseaux des eaux usées
→ Les dysfonctionnement du réseau d’assainissement
Parmi les projets mentionnés par les équipes de la Ville de Paris, figuraient :
- la construction d’un bassin de stockage des eaux pluviales de 50 000m3 au niveau d’Austerlitz
- le raccordement des bateaux et établissements recevant du public le long de la Seine aux réseaux d’assainissement
- le raccordement ou la résolution des problèmes en lien avec les mauvais branchements de nombreux logements de la ville
Malheureusement à ce jour, aucune visibilité quant à la bonne mise en oeuvre de ces actions n’est donnée par les parties prenantes du plan de réhabilitation de la Seine, des partenaires ou encore des autorités compétentes.
À quelques semaines des épreuves, nos inquiétudes vis à vis du respect des délais de mise en service des ouvrages et des mises en conformité grandissent. De même que celles liées au manque de plan B (en cas de mauvais résultats d’analyse) qui permettrait d’assurer le déroulement des épreuves olympiques et paralympiques tout en garantissant l’absence de risque pour les équipes.
Nous sommes donc réellement inquiets pour la santé des athlètes et attendons, de la ville de Paris et de la région Île de France, des informations nous permettant d’avoir une vision claire sur le sujet.
Nous avons de grands espoirs pour ces projets dans la mesure où ils représentent une chance fantastique pour la baignade urbaine. Cependant, à ce stade, nous sommes encore sceptiques pour diverses raisons.:
- les concentrations en entérocoques et en E. coli issues de nos prélèvements sont très largement au-dessus des seuils législatifs en vigueur pour les eaux de baignade en eau douce
- nous n’avons pas la certitude que l’ouvrage d’Austerlitz réponde à lui tout seul aux maux de la Seine
- la Seine a un bassin versant important et des travaux de réhabilitation doivent être entrepris tout le long du fleuve
- les approches curatives ne peuvent pas répondre à tous les maux
Les mesures et travaux déjà entrepris par la ville pour rendre le fleuve baignable sont, à notre sens, une première étape. Nous restons cependant convaincus qu’une approche plurisectorielle (désimperméabilisation, raccordement systématique, végétalisation, etc.) permettra de répondre durablement aux enjeux de réhabilitation de la qualité des eaux de la Seine afin de rendre un jour ce fleuve urbain « baignable » pour tous.
Fermeture des quais de Seine = prélèvements impossibles
Si nous avons, jusqu’à présent, assuré un suivi minutieux de la qualité de l’eau de la Seine, cela ne sera malheureusement plus possible d’ici quelques semaines en raison de la fermeture des quais. Il sera donc impossible à l’équipe de Surfrider de poursuivre les prélèvements.
Par le biais de notre lettre ouverte, nous demandons que nous soit permis l’accès aux sites de prélèvements pendant toute la durée des JOP de Paris. Cela nous permettrait de poursuivre notre suivi de la qualité de l’eau de la Seine et de nous assurer ainsi de la santé des athlètes.
Nous sommes convaincus que les enjeux de baignade en ville sont les enjeux de demain.
Toutefois, et dans le cas présent de la Seine, il reste, à notre sens, encore beaucoup à faire.
C’est la raison pour laquelle nous continuons de plaider pour une action concertée et transparente, cruciale pour l’avenir de la baignade dans les cours d’eau urbains. Cette démarche est vitale pour assurer que les fleuves urbains, tels que la Seine, deviennent des espaces sains et accueillants pour tous.