En 2019, le combat mené par nos Coastal Defenders, et d’autres associations de protection de l’environnement, permettait de réduire la pollution due au déversement, en Méditerranée, de “boues rouges” toxiques produites par l’usine Altéo de Gardanne, en France. Cette victoire fut malheureusement de courte durée puisque le rachat de l’usine vient d’être annoncé en même temps que la délocalisation d’une partie de son activité en Guinée, pays où les normes environnementales restent moins contraignantes.
Altéo Gardanne: une victoire de courte durée
En produisant son alumine, l’usine d’Altéo créait deux formes de déchets : une partie solide (poussières de bauxite) et une partie liquide (chargée en soude) qui, réunies, générait des “boues rouges”. Plus de 20 millions de tonnes de ces tristement connues “boues rouges” ont été déversées dans le cœur du Parc National des Calanques depuis 1967. Dès fin 2015, la partie solide de ces boues rouges n’est plus rejetée en mer. En revanche, la partie liquide, présentant des concentrations pour certains paramètres (mercure, aluminium…) jusqu’à 100 fois supérieures aux seuils de la Convention de Barcelone, continue à être déversé en mer grâce à une autorisation dérogatoire de l’Etat français.
Aux côtés de cinq autres associations, Surfrider Foundation Europe a donc lutté pour raccourcir cette dérogation en justice, obtenant gain de cause, après des années de combat contre le géant de l’alumine : Altéo devait rabaisser ses rejets aux normes en 2019. Une véritable victoire car, au-delà d’améliorer largement la qualité des eaux et la santé des riverains et des fonds marins, cette action a poussé l’industriel à rechercher et développer des alternatives pour réduire l’impact de son activité sur l’environnement.
Un pas en avant, trois pas en arrière : quand la raffinerie est délocalisée en Guinée
Le problème ? Engagée dans une procédure de liquidation, Altéo vient d’être rachetée par l’industriel guinéen United Mining Supply (UMS). Si l’entreprise était déjà liée à la Guinée – Altéo importait, de ce pays, la bauxite, matière première essentielle à la fabrication d’alumine – ce rachat apparaît comme une très mauvaise nouvelle.
Maintenant qu’il en est propriétaire, UMS compte en effet déplacer la raffinerie, jusqu’alors située à Gardanne, vers la Guinée. Désormais, la transformation de la bauxite en alumine – activité la plus polluante de toutes – se fera dans le pays africain, directement après l’extraction. La raffinerie devrait d’ailleurs s’implanter dans un endroit stratégique : la ville de Boké, située entre les mines et la zone portuaire fluviale. Un emplacement idéal pour le développement de l’activité, beaucoup moins pour l’environnement !
Si Altéo a été poussé, en France, à respecter la Convention de Barcelone pour la protection de la Méditerranée et à s’orienter vers des techniques moins polluantes, nous craignons que la délocalisation en Guinée – où les restrictions environnementales sont moins contraignantes – ne balaye toutes ces avancées. Les activités d’extraction de la bauxite détériorent déjà l’environnement et la qualité de l’eau dans la région de Boké, générant les mêmes boues rouges que Gardanne a connu. La pollution étant moins surveillée et sanctionnée, le risque est grand pour que la raffinerie, à proximité de l’estuaire, ne rejette davantage de déchets polluants directement dans les cours d’eau, affectant encore plus l’environnement et les populations.
Une situation dramatique hors de notre champ d’action
Cette délocalisation est le pire scénario qui pouvait se produire. Nous la condamnons fermement mais sommes impuissants face à cette situation qui se déroule hors de notre champ d’action européen.
Si elle doit nous faire réfléchir à de nouveaux moyens d’actions – notamment soutenir des associations locales et encourager le développement de Surfrider en Afrique -, elle permet de rappeler que la lutte est sans répit : nous n’agissons pas pour que la pollution soit délocalisée d’une région à l’autre ! Les mers et océans sont tous interconnectés, et la pollution, où qu’elle soit, affecte toute la planète. Il s’agit d’un seul et unique combat, celui pour la protection de l’Océan. Le GIEC tire déjà la sonnette d’alarme : la modification des apports en nutriments de l’Océan, son acidification et son réchauffement menacent d’ores-et-déjà les fonds marins et quelques 680 millions de personnes vivant en zones côtières. Nous ne combattons pas pour que les entreprises s’adonnent à du dumping environnemental en déplaçant leurs activités dans des pays sans restriction. Nous sommes Surfrider Europe mais notre action doit mettre fin à la pollution mondiale qui impacte toutes les populations du globe.