La pollution plastique est l’une des crises environnementales les plus préoccupantes de notre époque.
Chaque année, des millions de tonnes de plastique s’accumulent dans nos océans et nos sols. Même dans l’air que nous respirons est chargé de micro- et nano-particules de plastiques.
Ce fléau, visible sur les plages recouvertes de déchets ou encore dans les gyres de déchets flottants au beau milieu de l’Océan, perturbe profondément les écosystèmes marins, menace la biodiversité, et pose des risques croissants pour la santé humaine.
Et les impacts du plastique ne s’arrêtent pas à la pollution “visible”.
Sa production massive contribue de manière significative au dérèglement climatique, émettant d’énormes quantités de gaz à effet de serre (GES) à chaque étape, de l’extraction des ressources fossiles à la gestion des déchets.
Enfin, l’augmentation impressionnante de la production de plastique, largement soutenue par les géants pétroliers et gaziers, fait de ce matériau une alternative particulièrement lucrative pour les industries fossiles, freinant la transition vers une économie plus durable.
Le plastique, un matériau jeune …
Le plastique moderne a émergé au début du XXe siècle, mais ses premières formes, comme le celluloïd (considéré comme la toute première matière plastique) et la bakélite (résine synthétique), datent du XIXe siècle.
L’essor du plastique s’est accéléré après la Seconde Guerre mondiale, dès lors que l’industrie chimique a découvert le potentiel commercial et industriel immense de ce matériau.
Son développement a répondu à des besoins croissants dans des secteurs variés parmi lesquels : le bâtiment (isolation, canalisations, revêtements etc.), l’agriculture (notamment les films plastiques pour protéger les cultures, la santé (principalement pour les équipements médicaux stériles) et plus généralement pour la consommation quotidienne (emballages alimentaires, objets du quotidien, jouets ect.)
Les atouts de ce matériau nouveau, à savoir sa légèreté, sa résistance, sa malléabilité et surtout son faible coût, ont conduit à une adoption massive, à tel point que le plastique est aujourd’hui omniprésent dans notre quotidien.
…et complexe
Le plastique est un matériau polymère synthétique, ce qui signifie qu’il est constitué de longues chaînes moléculaires appelées polymères. Ces chaînes sont fabriquées en assemblant de petites molécules, les monomères, issues majoritairement du pétrole.
Les polymères de base sont ensuite combinés avec différents adjuvants, pour créer “les” plastiques, et des substances chimiques, pour en améliorer les propriétés ou leur conférer des caractéristiques spécifiques. Ces additifs, pour la grande majeure partie dangereux, incluent (entre autres) des stabilisants (pour augmenter la durabilité et la résistance du matériau), des colorants ou encore des agents anti-UV ou retardateurs de flamme.
S’ils élargissent les applications possibles du plastique, ils posent également des problèmes en fin de vie, en complexifiant le recyclage et en augmentant les risques de toxicité environnementale et sanitaire.
Plus de 4 000 plastiques différents
Aujourd’hui on comptabilise plus de 4 000 plastiques différents mis sur le marché et plus de 16 000 substances chimiques rattachées à leur composition.
3 types de plastiques sont particulièrement répandus : les thermoplastiques, les élastomères, et les thermodurcissables
Les thermoplastiques
Il s’agit des plastiques que nous croisons le plus souvent dans notre quotidien. Ils se ramollissent sous l’action de la chaleur et se durcissent en se refroidissant de manière réversible. La plupart des plastiques utilisés dans l’emballage sont des thermoplastiques, ce qui permet de les recycler.
On retrouve dans cette grande famille :
→ Le LLDPE (polyéthylène basse densité linéaire) utilisé pour faire des sacs poubelles, des emballages industriels ou encore des bouchons de bouteilles.
→ Le HPE (polyéthylène de haute densité) utilisé pour fabriquer des bouteilles de shampoing ou de détergents par exemple.
→ Le PP (polypropylène), matériau principal de fabrication des biberons, des emballages alimentaires souples (emballage de chips, de bonbons etc.) ou encore dans les protections hygiéniques.
→ L’(E)PS (polystyrène (expansé)), présent dans les couverts jetables, les pots de yaourts ou encore les matériaux isolants.
→ Le PET (polyéthylène téréphtalate) utilisé pour fabriquer des bouteilles (eau, lait etc.) mais également des vêtements (fibres textiles synthétiques)
→ Le PVC (polychlorure de vinyle) utilisé pour fabriquer des tuyaux, canalisations ou encore mobilier de jardin (entre autres).
Les élastomères
Les élastomères sont les matériaux caoutchouteux composé de polymères capables de retrouver leur forme initiale après avoir été étirés dans de grandes proportions. Ils sont utilisés dans la fabrication de dispositifs médicaux (gants, tubes etc.) mais aussi des pneus ou encore des textiles élastiques.
Les thermodurcissables
Il s’agit des matières plastiques qui sous l’action de la chaleur, se durcissent progressivement pour atteindre un état solide irréversible. On les retrouve principalement dans les éléments devant absolument être solides et rigides comme par exemple les pare-chocs, les chaussures de ski ou encore les boules de bowling…
Les chiffres clés de la pollution plastique
→ La production mondiale de plastique est passée de 1,5 million de tonnes en 1950 à 450 millions de tonnes en 2020
Source : Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD). Global Plastics Outlook: Plastics Use by Polymer Projections to 2060. 2022.
→ Les projections estiment que l’on pourrait atteindre 736 millions de tonnes produites par an en 2040
Source : OECD. Policy Scenarios for Eliminating Plastic Pollution by 2040. 2022.
→ On estime que l’océan contient 150 millions de tonnes de plastique
Source : Wagner, M., et al. State of the Science on Plastic Chemicals: Identifying and Addressing Chemicals and Polymers of Concern. 2024.
→ En Europe, les plastiques à usage unique dominent les déchets retrouvés sur les plages, représentant 50 % des déchets
Source : Addamo, A., Laroche, P., and Hanke, G.. Top Marine Beach Litter Items in Europe. 2017.
→ Seulement 9% de tous les déchets plastiques ont été recyclés
Source : European Environment Agency (EEA). Plastics in the Environment: Environmental and Health Impacts ». 2023.
→ Chaque année environ 180 000 tonnes de granulés plastiques industriels sont déversés dans l’environnement de l’UE lors de leur manipulation et transport.
Source : European Commission. SWD(2023) 333 Final: Action Plan for the Circular Economy. 2023.
→ Entre 75 000 et 300 000 tonnes de microplastiques pénètrent chaque année dans l’environnement (en Europe)
Source : Eunomia. Investigating Options for Reducing Releases in the Aquatic Environment of Microplastics Emitted by (but Not Intentionally Added in) Products. Report for DG Environment of the European Commission. 2018.
→ On estime qu’en 2050, 99% des oiseaux marins auront ingéré du plastique
Source : Van Maanen, M. A., et al. The Challenges of Plastics in the Marine Environment. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America 112, no. 38. pp 11600-11605. 2015.
→ Plus de 16 000 substances chimiques sont utilisées dans la production de plastiques et seules 161 sont classées dans la catégorie “non dangereuses” en raison du manque de connaissances sur ces substances.
Source : Wagner, M., Monclús, L., Arp, H. P. H., Groh, K. J. , Løseth, M. E. , Muncke, J., Wang, Z., Wolf, R., Zimmermann, L.. State of the science on plastic chemicals – Identifying and addressing chemicals and polymers of concern. 2024.
La production de plastique : une des premières causes du dérèglement climatique
Le plastique est non seulement une source de pollution visible dans notre environnement mais c’est aussi, et surtout, un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre (GES) qui accélèrent le dérèglement climatique.
Sa production représente à elle seule 5% des émissions mondiales de GES. Depuis l’extraction des matières premières nécessaire à sa fabrication jusqu’à la gestion de ses déchets, le plastique contribue de manière significative à la crise climatique mondiale et au pillage des ressources naturelles.
- Extraction des matières premières : La production de plastique commence par l’extraction de combustibles fossiles, principalement du pétrole et du gaz naturel. Ces processus, énergivores et destructeurs pour l’environnement, génèrent des émissions considérables.
- Raffinage et transformation : Le pétrole et le gaz sont ensuite raffinés pour produire la base des plastiques : les monomères. Cette étape consomme énormément d’énergie, souvent issue de sources fossiles, contribuant ainsi à l’empreinte carbone désastreuse du plastique.
- Fabrication et moulage : La transformation des monomères en polymères, suivie du moulage pour créer des produits finis, nécessite également des quantités importantes d’énergie
- Transport : Les produits plastiques, souvent fabriqués dans un pays avant d’être exportés et utilisés dans un autre, génèrent des émissions supplémentaires liées au transport.
Ces étapes combinées font du plastique un matériau à l’impact climatique majeur, avant même qu’il n’entre en circulation dans notre quotidien.
Si aucune mesure ambitieuse n’est prise, la production de plastique pourrait doubler d’ici 2040, faisant exploser ses émissions de GES et compromettant les efforts mondiaux pour limiter la hausse des températures.
Les experts estiment que, sans régulation, les émissions de GES liées au plastique représenteront le 5e budget carbone mondial d’ici 2050 (source : « Climate Impact of Primary Plastic Production », Lawrence Berkeley National Laboratory, avril 2024)
Le plastique : nouvel eldorado des géants pétro-gaziers
Avec l’essor des énergies renouvelables et des politiques de décarbonation, la demande en pétrole et en gaz pour le secteur énergétique est en déclin dans de nombreuses régions du monde. Pour compenser cette perte, les industries fossiles ont trouvé leur nouvel eldorado : la pétrochimie, dont le plastique est une composante majeure.
Environ 99 % des plastiques produits aujourd’hui sont dérivés des ressources fossiles. Cette dépendance signifie que la croissance de la production de plastique soutient indirectement la demande de combustibles fossiles. Ce chiffre explique en grande partie pourquoi les géants pétroliers investissent massivement dans les infrastructure dédiées à la production de plastique : ils diversifient leurs activités et “compense les pertes dans d’autres secteurs” tout en continuant à exploiter les hydrocarbures.
La stratégie des géants pétroliers transforme le plastique en un outil pour prolonger la dépendance mondiale aux combustibles fossiles. Sans une action forte et concertée pour limiter cette expansion, les crises du climat et de la pollution plastique continueront de s’aggraver. Réduire la production de plastique n’est donc pas seulement un enjeu environnemental, mais une condition essentielle pour une transition écologique réussie.