Bientôt présenté devant les institutions françaises, en Conseil des ministres puis à l’Assemblée, le projet de Loi Climat fait déjà parler de lui. Car, s’il était censé traduire les propositions issues de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), le texte récemment rendu public a largement réduit ses ambitions. Initialement affiché comme une petite révolution du droit environnemental, il s’apparente finalement davantage à un simple coup de communication et souligne le manque d’ambition écologique du Gouvernement français… Qui pourrait pourtant bientôt être contraint de s’adapter à l’évolution du droit européen.
Des propositions initialement ambitieuses, issues d’une réflexion citoyenne innovante en France
Faisant suite au Grand Débat National de 2019, la CCC s’est constituée comme une expérience démocratique inédite en France : 150 citoyens tirés au sort ont réfléchi à une loi luttant contre le changement climatique. Rassemblés pendant six mois, ils ont dû s’informer, débattre et définir une centaine de mesures pour atteindre une baisse de 40 % des émissions de GES nationales, d’ici à 2030.
Parmi les propositions citoyennes ambitieuses, celle d’intégrer la notion de crime d’écocide dans la loi a particulièrement retenu l’attention. Dans un souci de prévention et de réparation des actions affectant les écosystèmes à court ou long terme, les citoyens français ont en effet milité pour l’adoption d’une nouvelle responsabilité pénale. L’idée ? Quel que soit le motif de sa pollution – intention, négligence ou simple imprudence -, le responsable pourrait encourir plus de 15 ans d’emprisonnement, et écoper d’une lourde amende incluant les coûts de réparation du dommage.
Vers un simple délit général de pollution face aux pressions patronales
Reconnaître l’écocide comme un crime semble, dès lors, être un bon moyen de limiter les activités industrielles polluantes. Pourtant, les organisations patronales françaises, inquiètes de l’impact d’un tel dispositif répressif sur la compétitivité, ont tout fait pour modifier le texte en coulisses, édulcorant largement les propositions citoyennes initiales…
Il en ressort ainsi un abandon de la notion de crime, laissant place à un simple délit aux conséquences financières et judiciaires beaucoup moins lourdes. Aussi, bien que le nom d’écocide reste inscrit dans le texte, il s’agit plutôt d’un “délit général de pollution”, répréhensible dans certains cas très précis : ne pourront être punies que des pollutions commises de façon délibérée entraînant des effets graves et durables sur la santé, la faune et la flore pendant au moins dix ans.
Des effets limités soulignant le manque d’ambition du Gouvernement français
En plus de ne pas se conformer à la volonté des citoyens, ce projet de loi, s’il est ainsi adopté, n’apportera aucun changement. Car, pour toutes les raisons évoquées, le délit restera très difficile à prouver, ne constituant pas une véritable menace pour les industriels qui continueront de polluer en toute impunité.
Les multiples modifications qu’ont subies les propositions citoyennes soulignent le manque d’ambition du Gouvernement français qui, plutôt que de répondre à l’urgence écologique, préfère poursuivre des intérêts économiques à court terme. Le texte sera débattu fin mars à l’Assemblée, mais l’espoir d’un véritable changement est faible.
Les avancées se feront au niveau européen, gardons espoir !
Rien n’est perdu pour autant ! Alors qu’aucune mesure à ce propos n’avait jamais été prise au niveau inter-étatique, le Parlement européen a créé la surprise en adoptant, mardi 20 janvier dernier, un amendement reconnaissant l’écocide, dans son rapport annuel sur les droits humains et la démocratie. Une bonne nouvelle qui pourrait conduire à son inscription dans le droit interne européen et, en conséquence, dans celui de chaque Etat-membre. Un moyen, aussi, d’accélérer les débats pour qu’il soit enfin reconnu devant la Cour Pénale Internationale, au même titre que le crime contre l’Humanité.