Le dimanche 1er décembre 2024, après 7 jours de débats et discussions, l’ensemble des pays, réunis en Corée du Sud à l’occasion du dernier volet du Traité mondial contre le plastique, se sont finalement quittés sans parvenir à trouver un accord.
En raison du blocage de différents États producteurs de pétrole, ce qui devait être la cinquième et ultime session de négociations visant à lutter contre la pollution plastique n’a finalement pas abouti, obligeant la poursuite des négociations en 2025.
En 2022, l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement a adopté une résolution dans l’objectif de négocier, jusqu’à fin 2024, un traité mondial de lutte contre la pollution plastique.
Cinq sessions de négociations internationales ont donc été planifiées, la dernière en date se déroulant du 25 novembre au 1er décembre dernier à Busan, en Corée du Sud.
Cette cinquième et dernière session devait aboutir à un traité ambitieux et juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique d’ici 2040.
Comme plusieurs autres ONG environnementales, Surfrider Foundation Europe a suivi de près les discussions, soucieuse de voir se dessiner un traité à l’ambition maximale, comme espéré et soutenu par la société civile, permettant de lutter à l’échelle globale contre la pollution plastique de l’Océan. Malheureusement, et ainsi que nous le redoutions, ce 5e volet de négociations ne s’est achevé sur aucun accord, obligeant les pays à envisager la poursuite des discussions en 2025.
À PROBLÈME D’AMPLEUR, MESURES MAJEURES : L’URGENCE DE S’ATTAQUER À LA SOURCE.
“ Si nous n’obtenons pas un traité ambitieux à Busan, ce sera une trahison mondiale (…). L’histoire ne nous le pardonnera pas. C’est le moment d’agir, ou de partir“ a annoncé, à la fin de ce 5e volet de négociations, Juan Carlos Monterrey Gomez, représentant du Panama, mais surtout porte-parole d’une centaine de pays en faveur d’un traité contre la pollution plastique ambitieux.
Pour les représentants de ces pays, membres de la coalition de la Haute Ambition, dont la France fait partie, il est primordial de s’attaquer à la source du problème, en arrêtant net la course effrénée de la production plastique.
Sujet particulièrement sensible pour les pays producteurs de pétrole, les négociations entamées dans le cadre du traité portent sur l’ensemble du cycle de vie du plastique. Depuis sa production jusqu’à sa fin de vie, intégrant la phase de conception et l’usage de substances dangereuses lors de sa fabrication. Le recyclage du plastique fait également partie des débats.
Répartis en quatre groupes de travail, appelés « groupes de contact thématiques, » les nombreux pays présents ont esquissé un premier accord sur les articles du traité, en tenant compte des priorités défendues par la Coalition de la Haute Ambition et les ONG, dont Surfrider Foundation.
BUSAN, DÉCEMBRE 2024 : UN RDV MANQUÉ POUR LUTTER CONTRE LA POLLUTION PLASTIQUE
La plastique est un sujet aussi complexe qu’il est un matériau dangereux.
C’est notamment la raison pour laquelle les différents porte-parole des pays présents autour de la table du traité n’ont pas avancé comme espéré lors des sessions précédentes.
Incapables de parvenir à un texte “praticable”, les négociateurs ont alors dû, pour cette 5e session, se baser sur un non-paper : une note informelle, basée sur les éléments évoqués lors des précédentes sessions, rédigée par le Président du comité intergouvernemental de négociation Luis Vayas Valdivieso.
Les négociations ont rapidement pris une tournure compliquée, notamment en raison des manœuvres de certains pays producteurs de pétrole. Ces derniers ont cherché, dès le début, à ralentir les discussions en contestant la note informelle servant de base aux échanges, retardant ainsi volontairement les avancées en plénière.
Tout au long de cette session, les pays étroitement liés à la production de plastique ont continué à freiner les débats, essayant de diluer l’ambition du futur traité. Des États comme la Russie, l’Iran ou l’Arabie Saoudite se sont opposés à l’intégration, dans les discussions, du cycle de vie complet du plastique, notamment sa production.
S’opposant également aux restrictions envisagées sur certains types de produits plastiques et substances dangereuses, ces pays ont préféré focaliser les débats sur le recyclage, minimisant ainsi l’urgence d’agir à la source pour réduire la pollution plastique qui menace l’Océan et affecte gravement la santé humaine.
De plus, certaines délégations, comme celles de la Russie, de l’Arabie Saoudite, de l’Égypte et du Koweït, ont soutenu l’idée d’un traité moins contraignant, basé sur des engagements volontaires plutôt que des obligations juridiquement contraignantes. Elles ont plaidé pour le consensus comme mode de décision, un mécanisme qui permet à chaque pays de bloquer des mesures ambitieuses grâce à un droit de veto.
Enfin, les débats ont mis en avant la complexité pour les pays de s’accorder sur un mécanisme financier commun, chacun d’eux cherchant à minimiser sa responsabilité dans la production et la pollution plastique.
Face aux représentants des États favorables à un traité « faible, » plusieurs voix progressistes se sont élevées pour défendre l’adoption d’obligations légales contraignantes et une approche globale du cycle de vie du plastique, insistant sur l’importance de réduire sa production.
Des propositions ambitieuses ont été mises en avant, notamment par des États insulaires du Pacifique et le Rwanda, qui appellent à une réduction de 40 % de la production mondiale de plastique d’ici 2040. Cette stratégie, qui s’attaque directement à la source du problème de la pollution plastique, bénéficie du soutien d’une majorité de pays, dont ceux de la Haute Coalition. Co-présidée par la Norvège et le Rwanda, cette coalition s’efforce de s’aligner sur la résolution adoptée en 2022 par l’Assemblée des Nations Unies pour l’Environnement. Cette résolution vise à mettre fin à la pollution plastique grâce à un instrument juridiquement contraignant, basé sur une approche globale et circulaire garantissant une action rapide et efficace.
Au total, plus de 100 pays soutiennent la nécessité de réduire la production de plastique primaire et d’établir des objectifs mondiaux clairs. Un nouveau projet de texte a été présenté pour tenter de parvenir à un consensus au sein de la communauté internationale. Cependant, malgré des « progrès significatifs » salués par Luis Vayas Valdivieso, président du comité intergouvernemental, qui a conclu en ces termes : « Nous avons fait des progrès significatifs à Busan. Mais notre travail est loin d’être terminé », les discussions se sont heurtées à de nombreux blocages.
Les négociations, divisées en quatre groupes de contact, n’ont pas réussi à aboutir à un consensus. En conséquence, Busan ne sera pas l’ultime session d’un accord environnemental historique, et le chemin vers un traité ambitieux reste semé d’embûches.
ENTRE FRUSTRATION ET OBSTRUCTION, UNE CONCLUSION SUSPENDUE JUSQU’À NOUVEL ORDRE
A l’issue de cette 5ᵉ session de négociation, le texte proposé (non-paper) reste trop flou et parfois même incohérent. Il comporte des options contradictoires, des définitions imprécises, et manque d’objectifs clairs, empêchant ainsi tout compromis.
Faute d’accord, comme initialement prévu pour la fin 2024, cette cinquième session est suspendue et reprendra dans les mois à venir, idéalement au cours du premier semestre 2025, comme souhaité par la délégation française.
La « session 5.2 » s’appuiera sur le texte actuel comme base de discussion, même si celui-ci ne fait pas encore consensus parmi les pays les plus ambitieux.
Cette suspension soulève une question cruciale : faut-il avancer sans les pays opposés au traité ? Si exclure les principaux producteurs de plastique semble contre-productif pour mettre fin à la pollution plastique, un vote pourrait permettre à la majorité des pays de progresser ensemble. Cependant, cette option, politiquement sensible, pourrait engendrer des répercussions importantes pour certains États.
Un acteur clé dans ces négociations est la Chine, qui a pourtant adopté une posture discrète tout au long de la semaine. Bien qu’elle ait montré de nouvelles ambitions aux côtés de la France dans la Déclaration « From Kunming-Montreal to Nice », son positionnement lors des discussions est resté ambigu. Par moments, elle a même repris des arguments des pays bloquants, rendant difficile la compréhension de ses intentions.
Enfin, un autre enjeu majeur se dessine : la participation des États-Unis. Absents jusqu’ici, ces grands producteurs de déchets plastiques seront représentés sous l’administration de Donald Trump lors des prochaines négociations, ce qui pourrait influencer le ton des discussions.
La suite s’annonce donc déterminante pour l’avenir du traité.