Communiqué de presse 19.02.2025 | Pour diffusion immédiate
La Cour d’appel de Rouen déclarera-t-elle le capitaine et l’armateur du navire MT Guardians coupables d’avoir rejeté illégalement des huiles végétales en mer ? L’arrêt de la Cour d’appel dans le cadre de cette affaire, est attendu pour le lundi 24 février prochain. Les juges devront se prononcer sur la culpabilité du capitaine du navire alors que la pollution a été détectée grâce à des images satellite. Surfrider Foundation et France Nature Environnement se sont constituées partie civile dans cette affaire inédite en France.
Une pollution maritime détectée par satellite
Le 13 janvier 2021, le CROSS (Centre Régional Opération de Surveillance et de Sauvetage) JOBOURG reçoit une alerte du système Cleanseanet de l’agence Européenne de sécurité maritime (EMSA) à la suite d’une détection par satellite d’une pollution de sillage par huile végétale, au large du Cap de la Hève à Sainte Adresse (76), dans les eaux territoriales françaises. La détection satellite et l’analyse du système AIS (système de suivi d’itinéraire de navigation et des navires) permettent de rattacher la pollution au MT GUARDIANS (IMO n°9165451), seul navire sur zone au moment des faits ayant une trajectoire compatible avec la nappe polluante d’une longueur de 14,8km sur 0,94km de large.
Le MT GUARDIANS est un navire, battant pavillon panaméen, de type chimiquier, spécialisé dans le transport d’huiles végétales. Le 13 janvier 2021, il a quitté le port de Rouen chargé de 4976,946 tonnes d’huile de colza en direction de Rotterdam. Avant ce chargement, le bateau avait effectué un prélavage de ces cuves contenant des résidus d’Ester méthylique d’acide gras, issus du précédent voyage. Une partie de ces eaux usées (36m³) a été stockée dans les desks tanks avant d’être rejetée en mer, le 13 janvier 2021, en quittant le port de Rouen. Ce rejet s’est effectué à une distance d’environ 10 miles nautiques (environ 18 km) des côtes alors qu’il n’est autorisé qu’à une distance de plus de 12 miles nautiques (plus de 22 km).
Sur la base de ces éléments, le Procureur du Havre engage des poursuites contre la capitaine et l’armateur du navire pour rejet illicite de substances polluantes.
Le capitaine relaxé en première instance, les ONG font appel
Surfrider Foundation et France Nature Environnement se sont constituées partie civile dans cette affaire. Lors du procès en 1ere instance, le tribunal judiciaire du Havre a relaxé le capitaine et l’armateur au motif que l’enquête effectuée par la gendarmerie maritime ne permettait pas de démontrer l’imputabilité de la pollution au navire.
Pourtant, il n’y avait pas d’autres navire qui transportait ce type de marchandise (huiles végétales) dans le secteur de l’incident. L’analyse des images satellite, et de la route des navires sur zone tendent à démontrer quant à elles, que le MT GUARDIANS est bien responsable de cette pollution.
Lien vers le jugement de première instance
Surfrider Foundation et France Nature Environnement ont fait appel de cette décision considérant que le système CleanSeaNet, existant depuis 2007 et éditant des milliers d’images satellite chaque année, est fiable et doit être utilisé comme moyen de preuve.
Voir l’alerte du système Cleanseanet ici
Une expertise avant dire droit pourrait attester de la culpabilité du capitaine
La Cour d’appel de Rouen devait se prononcer en décembre 2023. Le jour de l’audience, l’avocat général a demandé une expertise avant dire droit qui lui avait été accordée par les juges. Cette expertise visait à verser au dossier des éléments manquants permettant de lever les doutes quant à l’imputabilité de la pollution au navire et contredire les arguments de la défense. Une experte du CEDRE a ainsi été missionnée, afin d’établir si la détection CleanSeaNet du 13 janvier 2021 pouvait correspondre à un rejet de produit huileux et à déterminer si ce rejet pouvait être rattaché au GUARDIANS.
Grâce à l’utilisation du modèle de prévision de dérive MOTHY, l’experte a pu analyser la simulation d’un rejet continu sur la trajectoire du GUARDIANS et une simulation à rebours (ou “backtracking”) à partir de la nappe prise en cliché par le satellite et ainsi conclure, avec certitude, que le rejet peut être rattaché au navire incriminé.
Pourquoi est-ce une affaire particulièrement importante et qui pourrait faire date dans la répression des pollutions maritimes ?
C’est la première fois en France qu’un capitaine et un armateur de navire sont renvoyés devant les tribunaux sur la base d’une détection satellite et de l’utilisation du système d’authentification automatique des navires (AIS). Or, on sait que les capitaines et les compagnies peu scrupuleuses des règles environnementales ont trouvé de nouveaux moyens de polluer sans être inquiétés, notamment des rejets illicites d’hydrocarbures et autres substances de nuit ou dans des zones en dehors de la surveillance par les aéronefs nationaux. Jusqu’ici en France, les moyens de preuves principaux ont toujours été : une observation en flagrant délit, depuis un avion ou un navire, d’un rejet illicite dans le sillage immédiat d’un navire ainsi que l’utilisation d’une preuve photographique.
Il est en revanche à noter que dans d’autres pays comme l’Angleterre ou l’Espagne, la détection par satellite a déjà permis de faire condamner des capitaines et leurs armateurs. Cette décision de justice pourrait marquer une avancée majeure dans la détection et la répression des pollutions marines et faire jurisprudence.
De plus, l’acceptation par la Cour, d’appel des techniques de backtracking pourrait faire avancer la lutte contre les pollutions orphelines en permettant de retrouver et poursuivre les auteurs des infractions en mer. En tout état de cause, Surfrider Foundation et France Nature Environnement attendent du juge qu’il précise les attendus nécessaires pour qu’une détection par satellite soit acceptée comme un moyen de preuve. Le délibéré de la cour d’appel de Rouen est prévu pour le lundi 24 février 2025.
Nous restons à la disposition des journalistes pour toute demande d’information ou d’interview.
À propos de Surfrider Foundation Europe L’ONG Surfrider Foundation est un collectif d’activistes positifs qui agit concrètement sur le terrain au quotidien pour transmettre aux générations futures un Océan préservé. Notre mission : Porter haut et fort la voix de l’Océan ! Nos armes ? Sensibiliser et mobiliser les citoyens, enfants comme adultes (notamment grâce à 48 antennes bénévoles dans toute l’Europe), utiliser notre expertise scientifique pour porter des actions de lobbying et transformer les entreprises. Découvrez l’association sur https://surfrider.eu/ ou via cette vidéo
À propos de France Nature Environnement France Nature Environnement est la fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement. Elle est la porte-parole d’un mouvement de 6 000 associations, présentes sur tout le territoire français, dans l’hexagone et les Outre-mer.
CONTACT : Lionel Cheylus | Responsable relations médias | 06 08 10 58 02 | lcheylus@surfrider.eu Eloi Perignon | Attaché de presse | 06 07 69 27 10 | eloi.perignon@fne.asso.fr