L’Union européenne adopte une réglementation inédite sur les granulés plastiques pour réduire la pollution aux microplastiques, mais les dérogations et délais risquent d’en limiter la portée

Bruxelles, 9 avril 2025 | Pour diffusion immédiate

À minuit passé, après de longues heures de négociations, le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne sont parvenus à un accord de dernière minute sur la réglementation européenne très attendue, visant à prévenir les pertes de granulés plastiques dans l’environnement, une source majeure de pollution aux microplastiques. Cette décision intervient dans le sillage d’une nouvelle catastrophe impliquant un déversement de granulés en mer au large des côtes anglaises, après la collision de deux navires – une illustration frappante de la fréquence de ces pertes. Si l’alliance Rethink Plastic regrette les larges exemptions accordées aux petites structures et les seuils élevés fixés, elle salue néanmoins cette approche européenne ambitieuse pour réduire une pollution évitable.

Des avancées positives, mais des retards et des compromis qui menacent l’impact global

L’accord conserve un objectif clair de « Zero Pellet Loss » et introduit une hiérarchie d’action nécessaire : la prévention en priorité, suivie de la maîtrise des déversements, et en dernier recours, le nettoyage. Combiné à des mesures obligatoires portant sur les emballages, les équipements, la formation et les infrastructures, ce texte marque une avancée significative par rapport aux initiatives volontaires existantes et reflète la reconnaissance croissante de la nécessité d’une prévention active.

La réglementation suit une approche intégral de la chaine d’approvisionnement, en couvrant les pertes à chaque étape – production, transformation, transport, stockage, nettoyage et retraitement – et pour tous les acteurs, qu’ils soient basés dans l’UE ou non.

L’inclusion du secteur maritime dans le champ d’application est particulièrement notable. En rendant juridiquement contraignantes les recommandations auparavant volontaires de l’Organisation maritime internationale (OMI), l’UE montre l’exemple à l’échelle mondiale. Toutefois, le délai de transition supplémentaire d’un an accordé au secteur maritime est jugé excessif et injustifié, d’autant que de nombreux navires européens appliquent déjà ces recommandations.

L’introduction d’audits indépendants obligatoires pour les opérateurs de taille moyenne et grande est également une avancée : les entreprises manipulant plus de 1 500 tonnes de granulés par an devront obtenir un certificat de conformité délivré par un organisme accrédité. Ce contrôle externe met fin à l’autorégulation peu fiable et aux initiatives volontaires comme « Operation Clean Sweep ». Cependant, la réglementation ne reprend pas la recommandation officielle de la Convention OSPAR de 2021 qui préconisait l’application de ces obligations à toutes les structures, sans exception.

En matière de transparence, l’accord impose désormais un rapportage obligatoire pour les pertes de granulés, tant pour les transporteurs européens que non-européens. Bien que le rapport en temps réel et la vérification indépendante ne soient pas encore exigés, les opérateurs devront signaler tout incident ayant des effets néfastes sur la santé humaine ou l’environnement, ainsi que les quantités perdues, les causes et les mesures de nettoyage entreprises. Même si les chiffres annuels de perte restent basés sur des estimations, ces dispositions marquent un réel progrès.

Des garde-fous essentiels affaiblis lors des négociations

Malgré les avancées, l’accord final exempte la majorité des petites et moyennes entreprises (PME) de toute surveillance indépendante, alors même que les PME représentent l’essentiel de la chaîne d’approvisionnement en plastique, avec 98 % des acteurs dans la transformation et 97 % dans le transport et le stockage. Au lieu d’adopter une approche fondée sur les risques ou les volumes, la réglementation exclut les opérateurs gérant moins de 1 500 tonnes par an et par installation – un seuil élevé équivalant à 75 milliards de granulés manipulés annuellement par un seul site.

Plus préoccupant encore, même les petites entreprises dépassant ce seuil bénéficieront d’obligations allégées, notamment une certification unique à effectuer cinq ans après l’entrée en vigueur du règlement. Cette approche exclut un grand nombre d’acteurs industriels importants du champ de contrôle régulier, ouvrant la voie à une conformité lacunaire et non vérifiée. Sans surveillance continue, cet allègement compromet l’objectif même du règlement : une prévention complète à l’échelle de toute la chaîne d’approvisionnement.

Avec cette réglementation, l’Union européenne fait un premier pas important pour lutter contre la pollution aux granulés plastiques. Mais pour que la promesse d’un avenir sans perte de granulés devienne réalité, la mise en œuvre doit être rapide, les failles comblées, et l’application assurée. Ce texte jette les bases : il revient désormais aux États membres, à l’industrie et à la société civile d’en garantir l’efficacité concrète.

Citations:

  • Cet accord représente une formidable démonstration du leadership de l’UE dans la lutte mondiale contre la pollution microplastique. L’UE a reconnu les granulés de plastique pour ce qu’ils sont : une source majeure de pollution microplastique et une grave menace pour l’environnement. Les règles contraignantes en matière de prévention, les obligations liées à la chaîne d’approvisionnement et les mesures maritimes constituent des avancées majeures. Toutefois, les lacunes, les retards, les exemptions et les seuils arbitraires risquent d’en réduire l’impact. Le moment est venu de joindre l’acte à la parole et de veiller à ce que cette loi soit appliquée dans la pratique. Amy Youngman, spécialiste des questions juridiques et politiques pour l’Agence d’investigation environnementale.
  • C’est un grand soulagement de voir les décideurs de l’UE approuver un règlement contraignant avec un champ d’application plus large pour lutter contre les sources terrestres et maritimes de pollution par les microplastiques dans les granulés de bois. La Commission a bien fait les choses en adoptant une approche fondée sur la chaîne d’approvisionnement afin de garantir une mise en œuvre uniforme des mesures de prévention et de nettoyage. L’inclusion du transport maritime a été un ajout bienvenu, probablement motivé par les récents accidents de porte-conteneurs, bien qu’avec un retard injustifié de trois ans. Il est grand temps que ces règles contraignantes remplacent les lignes directrices volontaires existantes afin que les granulés soient traités par les opérateurs comme le polluant dangereux qu’ils sont, et non comme une simple cargaison ». Frédérique Mongodin, responsable de la politique relative aux déchets marins chez Seas At Risk.
  • L’accord d’hier est intervenu alors que le dernier rapport du JRC met en lumière une réalité inquiétante : malgré l’engagement de l’UE à réduire la pollution par les microplastiques de 30 % d’ici à 2030, les émissions augmentent en réalité, y compris dans l’océan. Les microplastiques ayant été détectés dans le sang et les organes humains, il n’y a pas de place pour les demi-mesures. L’application d’exigences plus légères aux PME au nom de la simplification pourrait créer une faille qui les dispenserait de rendre des comptes. Cela signifierait que les citoyens et les PME d’autres secteurs – ainsi que les opérateurs de traitement des eaux usées – continueront à supporter les coûts de cette pollution ». Lucie Padovani, responsable du lobbying sur les déchets marins pour Surfrider Foundation Europe.

Notes to the Editor:

  • Les granulés plastiques industriels (pellets), d’une taille d’environ cinq millimètres, sont les éléments constitutifs de tous les plastiques de plus grande taille et constituent la troisième source de pollution microplastique dans l’UE. On sait que ces boulettes s’accumulent, en particulier dans l’environnement aquatique et marin, où elles ont des effets négatifs importants sur la faune et les écosystèmes.
  • La pollution par les granulés plastiques se produit à tous les stades de la chaîne d’approvisionnement dans l’UE (Plastic Giants report & Plastic Pellet value chain visual).
  • Pas moins de 184 290 tonnes de granulés sont perdues en Europe chaque année (Rapport d’évaluation de l’impact de la Commission européenne).
  • L’expansion exponentielle de la production de matières plastiques brutes depuis 2005 a entraîné une augmentation de la production de déchets et plus de 170 000 milliards de particules de plastique dans les océans du monde. (Tiny Plastic, Big Problem. The Case for Preventing Pellet Pollution.)
  • Le déversement de granulés de décembre 2023 sur la côte galicienne a montré de première main comment un mauvais transport des granulés en mer peut avoir des conséquences catastrophiques. Ceci, combiné à des recherches de plus en plus nombreuses établissant un lien entre la contamination microplastique et les risques pour la santé humaine, ainsi qu’à une pétition soutenue par plus de 90 000 Européens, a activé les parlementaires, qui ont voté par 538 voix contre 32 en faveur de l’adoption de règles contraignantes, saisissant ainsi une dernière occasion de protéger la planète et les personnes contre la pollution nocive et toxique par les granulés de bois.
  • Le mois dernier, un déversement de granulés s’est produit au large des côtes britanniques à la suite d’une collision maritime, soulignant une fois de plus le besoin urgent de contrôles juridiques solides sur la manipulation des granulés pendant le transport maritime. Des milliers d’aiguilles ont été rejetées sur le rivage, polluant les plages et ayant un impact sur la faune et les zones de conservation. Sans une mise en œuvre rapide et complète, de telles catastrophes environnementales sont vouées à se répéter.

Contacts Médias :

Pour Environmental Investigation Agency
Amy Youngman | +44 20 4549 9015 | amyyoungman@eia-international.org 

Pour Surfrider Foundation Europe
Lionel Cheylus | +33 6 08 10 58 02 | lcheylus@surfrider.eu

Pour Seas At Risk
Adenieke Lewis-Gibbs | +33 7 49 82 25 99 | alewis-gibbs@seas-at-risk.org