Rencontre avec Julia Ochs, photographe et amoureuse de l’Océan

Bonjour Julia, et merci beaucoup de prendre quelques minutes pour répondre à nos questions ! Pour commencer, peux-tu te présenter en quelques mots stp ?

Je m’appelle Julia Ochs, je vis en Allemagne et je suis photographe, spécialisée dans les prises de vue de l’Océan. Depuis dix ans, je documente l’Océan, capturant sa beauté tout en mettant en lumière les menaces auxquelles il est confronté.

J’ai commencé il y a quelques années dans le domaine de la photographie de surf, puis les personnes ont peu à peu disparu de mes images.
Mes photos sont devenues plus abstraites, plus axées sur les textures de l’océan… Petit à petit j’ai commencé à m’intéresser à ce qui se passe sous la surface. J’ai photographié des cétacés, puis, au cours des trois ou quatre dernières années, j’ai davantage travaillé avec des ONG. C’est d’ailleurs à ce moment-là que j’ai commencé à documenter les menaces auxquelles l’océan fait face.

C’est ainsi qu’est née l’idée de The Ocean Gallery en 2023. Basée à Stuttgart, c’est un concept d’exposition éphémère conçu pour mettre en avant la beauté de l’Océan à travers l’art tout en sensibilisant aux défis qu’il rencontre et à son rôle crucial pour notre survie. Ce que j’aimerais à termes, c’est la faire voyager et en faire un concept itinérant, avec des expositions en extérieur, accessibles à tous.

Pour moi il est essentiel que les gens fassent l’expérience de l’océan et comprennent les problématiques qui le concernent. Mon travail prend encore plus de sens dans des villes comme celle où je me trouve actuellement, car pour de nombreuses personnes qui n’ont pas grandi près de l’océan, il semble lointain, comme un simple lieu de vacances, sans qu’ils réalisent son importance capitale. Avoir une exposition comme celle-ci dans une ville éloignée de la mer, dans de grandes métropoles, où les habitants sont souvent déconnectés de la nature, me semble essentiel.

Beaucoup de personnes m’ont demandé au début : « Pourquoi une exposition sur l’océan ici, à Stuttgart ? Quel est ton objectif ? » Ils étaient assez sceptiques. Mais ensuite, ils ont compris. C’est précisément pour cette raison qu’il est essentiel d’avoir ce type d’initiative ici, car peu de gens savent que l’air qu’ils respirent provient en grande partie de l’océan.

Quel est ton rapport à l’Océan ? Un souvenir en lien avec le grand bleu ?

J’ai grandi loin de l’océan, dans une région enclavée. Je me souviens y être allée une ou deux fois, mais ce n’était pas un endroit où je me rendais régulièrement, ni un lieu auquel j’étais particulièrement attachée dans mon enfance. Enfant, l’océan m’intimidait et m’effrayait même un peu.

Mais après mes études, j’ai déménagé en Australie, et c’est là que ma véritable passion pour l’océan a commencé. J’ai passé beaucoup de temps dans l’eau, notamment à surfer, et c’est comme ça que l’Océan est devenu mon refuge. Je me souviens encore très bien de ces moments passés dans l’eau au lever ou au coucher du soleil, lorsque l’eau se transforme en or liquide. On est totalement immergé dans l’instant, et c’est tout simplement incroyable. L’océan est devenu mon sanctuaire, un lieu où je peux me ressourcer, retrouver mon calme et me sentir totalement connectée à la nature comme nulle part ailleurs. C’est à partir de ce moment-là que j’ai su que je voulais vivre près de l’océan. Il n’y a aucun autre endroit où je ressens une connexion aussi forte avec la nature.

Je pense que c’est à cet instant que je suis tombée amoureuse de l’océan, et que j’ai commencé à la photographier… Après, tout s’est enchaîné naturellement.

J’imagine que ton métier de photographe et ton amour de l’océan t’ont permis de vivre des expériences mémorables. Y en a-t-il une qui t’a particulièrement marquée ?

C’est difficile à dire—il y en a tellement. Pas seulement des moments magnifiques, mais aussi des instants où j’ai été témoin de la destruction que nous causons.

Une expérience qui m’a marquée s’est déroulée en Norvège du Nord, lorsque j’ai passé du temps dans l’eau avec des orques et des baleines à bosse. J’ai toujours été attirée par les environnements froids—les eaux glacées de l’Arctique sont celles qui m’inspirent le plus. Et cette rencontre a été bouleversante, dans le meilleur sens du terme. Les baleines ont choisi de s’approcher. Lorsque j’ai croisé leur regard, je n’ai ressenti que de l’acceptation et de la confiance. Je n’ai pas eu peur une seule seconde, je savais que je pouvais leur faire confiance.

En même temps, j’ai ressenti une profonde culpabilité en sachant que nous, les humains, sommes en train de détruire leur habitat. Ce moment a été un véritable tournant pour moi—il a renforcé ma détermination à faire tout ce que je peux pour protéger l’océan et ces animaux incroyables.

Pourquoi la photographie est-elle un excellent moyen de sensibiliser le public ?

Je pense que les gens n’écoutent et ne se sentent concernés que si on leur raconte des histoires. Si on se contente de donner des faits, des chiffres, c’est intéressant, mais on ne les retient pas et cela ne nous touche pas profondément.

Les histoires sont souvent le déclencheur d’une prise de conscience ou d’un passage à l’action. C’est pour cela que, grâce à mon travail et à la photographie (et plus largement aux images animées), on peut raconter des histoires puissantes qui inspirent le changement.

Qu’est-ce qui te révolte le plus quand on parle de la protection de l’Océan ? Le forage, la pollution plastique, la surpêche, etc. ?

Tout est dramatique, vraiment. Mais si je devais choisir, je dirais la surpêche.

L’une des expériences les plus choquantes a été de documenter le chalutage de fond à bord d’un bateau de pêche. Voir cela de mes propres yeux était difficile à encaisser. Sachant que de nombreuses populations de poissons sont déjà au bord de l’effondrement, et que pourtant nous continuons à piller ce qu’il en reste, c’est révoltant. La quantité de prises “involontaires”, la destruction des fonds marins—c’est terrifiant.

Ensuite, il y a la pollution plastique. J’ai passé du temps dans un centre de sauvetage de tortues où j’ai vu des tortues avec l’estomac rempli de plastique. D’autres étaient tellement enchevêtrées dans des filets qu’elles avaient perdu leurs nageoires. Et malgré les dégâts connus, la production de plastique devrait doubler d’ici 2050. Combien de temps pensons-nous pouvoir continuer ainsi ?

Enfin, en Arctique, j’ai vu de mes propres yeux les effets du changement climatique. Je me souviens d’une mère ours polaire avec son petit—tous deux visiblement amaigris. Avec la fonte des glaces, la chasse devient de plus en plus difficile pour eux. Leur avenir est terriblement incertain, et c’est déchirant. L’Arctique se réchauffe bien plus vite que le reste du monde. Là-bas, le changement climatique n’est pas une idée abstraite, il est visible en temps réel.

Et dans ce même écosystème fragile, on voit d’immenses bateaux de croisière traverser, aggravant encore la situation. Ce contraste est perturbant.

Tu organises prochainement un Ocean Friendly Film dans l’Ocean Gallery, pourquoi avoir choisi ce format « OFF » ? Qu’a-t-il de particulier ?

Avec The Ocean Friendly Film Event, l’objectif est de raconter des histoires à travers ces films, ce qui correspond parfaitement à la philosophie de la galerie.

Mais ce que je trouve vraiment intéressant, c’est que le public peut interagir et participer aux discussions après les projections. Je pense qu’aujourd’hui, nous sommes confrontés à énormément d’informations, mais nous avons rarement l’occasion d’échanger nos opinions et d’en discuter réellement.

Avec ce format, les spectateurs peuvent s’inspirer mutuellement et se motiver à agir.

En plus, avoir des intervenants qui partagent leur travail rend l’événement encore plus dynamique.

C’est un excellent mélange entre information, inspiration et passage à l’action. Je trouve que cela correspond parfaitement à l’idée de la galerie.


Comment avez-vous sélectionné les films que vous avez décidé de proposer aux amoureux/curieux de l’Océan qui vont se déplacer ?

La sélection des films a été une décision collective, prise en collaboration avec Surfrider.

Nous avons choisi des films qui correspondent aux valeurs de Surfrider, qui place la pollution au cœur de ses combats. Nous avons donc cherché des documentaires qui mettent en avant des personnes agissant sur cette problématique.

Mais nous voulions aussi respecter l’approche de la galerie : montrer la beauté de l’océan tout en sensibilisant aux menaces qu’il subit. C’est pourquoi nous avons également sélectionné deux films qui illustrent le lien unique entre les humains et l’océan.

En combinant ces trois aspects—montrer les menaces, révéler la beauté de l’océan et présenter des personnes qui agissent concrètement—nous avons construit une programmation qui, je l’espère, inspirera les spectateurs.

Parce que voir des gens engagés, ça donne envie de se dire : S’ils le font, alors moi aussi, je peux le faire.

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