Alerte Greenwashing – reconnaître les entourloupes “vertes”

Le mot sobriété est un terme qui suscite autant d’intérêts que de craintes.
Que l’on parle de sobriété énergétique, hydrique ou encore numérique, il peut être, pour certains, synonyme de privation ou de régression quand il est, pour d’autres, le résultat d’une profonde réflexion visant à adopter des comportements plus responsables.

Pour d’autres encore, la popularité grandissant de la notion de sobriété est une “bonne nouvelle”, voire presque une aubaine marketing : certaines marques surfent sur cette vague… en verdissant artificiellement leurs discours. C’est ce qu’on appelle le greenwashing, ou l’art de se repeindre en vert sans rien changer (ou presque) à ses pratiques.

Un public de plus en plus sensible… et des marques qui en profitent

Nous sommes de plus en plus nombreux.ses à prendre conscience des impacts de nos modes de vie, à questionner nos achats, à chercher à améliorer notre façon de consommer, en tentant au mieux d’être raisonnable et de viser la sobriété.

Dans ce contexte, de nombreuses marques ont compris l’intérêt de s’aligner – au moins en apparence – sur ces attentes. Elles savent que les mots “durable”, “écoresponsable” ou encore “naturel” rassurent et influencent nos décisions d’achat. Elles savent aussi comment nous convaincre de leur engagement et leur bonne foi.

Et nous, consommateurs, parce que leur discours est bien ficelé, parce que leurs arguments semblent honnêtes et leur stratégie de séduction bien rôdée, et surtout parce qu’on veut croire aux messages positifs, aux actes qui font du “bien à la planète”, nous avons tendance à nous faire avoir…

Le greenwashing, c’est quoi exactement ?

Le greenwashing, ou éco-blanchiment, est une pratique de communication mensongère qui consiste à donner une image écologique à un produit, une entreprise ou une action, sans fondement réel.
L’expression est apparue dans les années 1990, notamment grâce aux ONG qui ont pointé les premiers cas de décalage entre le discours des entreprises et leurs pratiques.

Le greenwashing prend des formes variées, mais repose toujours sur le même mécanisme : dissimuler la réalité derrière une façade “verte”.

En pratique :

– Il donne l’illusion d’un engagement environnemental,
– Il repose sur des termes vagues, non encadrés,
– Il peut être assimilé à de la publicité trompeuse,

Depuis août 2021, la loi Climat et Résilience a inscrit dans le Code de la consommation le greenwashing comme pratique commerciale trompeuse. Cette reconnaissance juridique permet de sanctionner plus sévèrement les abus, même si dans les faits, les contrôles restent encore trop rares.

5 techniques de greenwashing (très) répandues

1. Les faux labels et certifications “maison”

Un des leviers les plus courants du greenwashing est la création de labels internes à l’entreprise, avec une charte floue voire inexistante.

Ces “labels” sont souvent accompagnés de pictogrammes : une feuille verte, une planète souriante, un arbre stylisé… tout est fait pour nous inspirer confiance. Mais derrière l’apparence rassurante, il n’y a aucune norme, aucun contrôle indépendant, aucune exigence réelle.

Des marques de prêt-à-porter ou de grande distribution lancent ainsi des gammes dites “conscientes” ou “good for the planet”, qui n’ont, dans le fond, rien de réellement durable. Le consommateur croit bien faire, mais il est trompé.

Notre conseil : privilégier les labels reconnus et vérifiés, comme Écolabel européen, NF Environnement, AB, Fairtrade, ou encore GOTS pour le textile.

2. Des mots vagues et des packagings “verts”

Autre grande spécialité : le greenlabelling. Cette méthode consiste à utiliser un vocabulaire écologique flou – voire totalement vide de sens – pour suggérer un engagement.

Exemples : “formule naturelle”, “produit vert”, “écoresponsable”, “respectueux de l’environnement”, “95 % d’ingrédients d’origine naturelle”. Ces termes ne sont souvent associés à aucune preuve concrète.
À cela s’ajoutent des emballages verts, du papier kraft, des typos douces, des dessins de plantes… autant d’éléments graphiques qui suggèrent nature et respect.

Tout cela est cosmétique. Le produit peut très bien être polluant, toxique ou inutilement emballé, malgré son habillage “green”.

À retenir : un produit “naturel” n’est pas nécessairement bon pour l’environnement. L’eau de Javel est naturelle… mais pas écologique.

3. Le mensonge par omission

Ici, on met en avant un détail positif, pour mieux masquer l’ensemble du processus.

Un exemple classique : une bouteille “fabriquée avec du plastique recyclé”. Cela semble bien… sauf que l’étiquette n’indique pas le pourcentage exact, et qu’il s’agit souvent d’un mélange avec du plastique vierge. L’entreprise valorise donc un effort mineur tout en continuant à produire du plastique jetable.

Ce type de communication sélective donne une vision biaisée de l’impact réel du produit.

Le réflexe : regarder au-delà de l’argument mis en avant. Que dit le reste de la fiche produit ? Y a-t-il des informations sur la chaîne de production, les matières premières, l’impact carbone ?

4. Greenlighting : l’art de détourner l’attention

Le greenlighting est une stratégie particulièrement insidieuse. Elle consiste à mettre en avant une action “positive”, souvent mineure, pour détourner l’attention d’un modèle globalement nocif.

Exemples :

– Une enseigne de fast-fashion qui communique massivement sur une collection “éco-conçue” tout en sortant des dizaines de nouvelles collections chaque année.
– Une compagnie pétrolière qui investit dans des énergies renouvelables… à hauteur de 2 % de ses revenus.

En somme, on braque le projecteur sur un geste symbolique, pendant que les pratiques principales restent inchangées.

Soyons vigilants : une entreprise réellement engagée agit en profondeur, pas uniquement sur sa vitrine.

5. Le manque de transparence ou la surinterprétation des normes

Enfin, certaines marques présentent comme volontaires des efforts imposés par la loi, ou surexposent des engagements mineurs.

Par exemple :

– Une chaîne de restauration rapide qui communique massivement sur la suppression des pailles plastiques… alors que c’est une obligation légale.
– Une entreprise qui dit “produire localement”… mais ne précise pas que les matières premières viennent de l’autre bout du monde.

D’autres cas sont plus subtils : une entreprise se dit “neutre en carbone” parce qu’elle compense ses émissions, sans les avoir réduites à la source. Ou affirme être “transparente” parce qu’elle publie un rapport RSE… très incomplet.

Bonus : la fausse promesse de la compensation carbone

La compensation carbone est souvent brandie comme une solution miracle : “On pollue, mais on compense”.

En réalité, ce mécanisme pose de nombreux problèmes :

– Il encourage l’inaction : au lieu de réduire, on achète des crédits.
– Il donne l’impression qu’il est possible de “neutraliser” ses émissions… ce qui est scientifiquement faux.
– Les projets financés (plantation d’arbres, énergies renouvelables, etc.) sont souvent mal contrôlés, difficiles à évaluer, voire inefficaces.

La compensation carbone peut avoir un rôle complémentaire, mais elle ne doit jamais remplacer des mesures de réduction.

Et nous, dans tout ça ?

En tant que consommateur, nous ne sommes pas responsables du greenwashing. Pour autant, nous pouvons tous, à notre échelle, aiguiser notre esprit critique et agir pour faire cesser ces pratiques.

Quelques réflexes utiles :

Vérifier les labels et certifications (reconnues et contrôlées).
Lire au-delà des slogans : qu’en est-il de la composition ? De l’origine des matériaux ? Des engagements chiffrés ?
Éviter les promesses floues : “éthique”, “écolo”, “bon pour la planète”… sans preuve, ces mots ne valent rien.
Favoriser la transparence, la traçabilité, et la cohérence globale de l’entreprise.

Pourquoi c’est important ?

Parce que le greenwashing ralentit la transition écologique.
Il crée de la confusion chez les consommateurs, un faux sentiment de sécurité qui freine la prise de conscience mais aussi une concurrence déloyale pour les entreprises réellement engagées,

Et à terme, il décrédibilise les démarches authentiques, mine la confiance, et réduit notre capacité collective à agir efficacement.


Sobriété ne rime pas seulement avec “moins”, mais aussi avec lucidité. Choisir de consommer en conscience, c’est aussi refuser d’être complice involontaire du greenwashing.

Cela demande de la vigilance, parfois un peu de temps, mais c’est un levier puissant pour faire bouger les lignes. Car les entreprises finiront toujours par s’adapter à ce que nous demandons réellement. À nous d’exiger du fond, pas de la poudre aux yeux.

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