Captivé par l’océan dès son plus jeune âge, Yvan Bourgnon décide de vivre de sa passion : la navigation. Sportif de haut niveau et amoureux des sensations fortes, Yvan cumule les titres et ne cesse de relever de nouveaux défis. Confronté en premier lieu à la pollution aquatique lors de ses traversées transocéaniques, le marin a décidé d’agir pour préserver son terrain de jeu. Avec son association The Sea Cleaners, Yvan Bourgnon met en place un projet technique et ambitieux : un bateau autonome capable de collecter les déchets macro plastique.
En quoi consiste votre projet ?
Le Manta est le premier quadrimaran capable de collecter les macro-déchets plastiques qui flottent sur les océans et de lutter contre la pollution aquatique. Concentrant dans sa conception les technologies les plus innovantes en matière de production d’énergies propres, il est autonome et bénéficie d’une manoeuvrabilité optimale lui permettant d’intervenir rapidement dans les zones les plus polluées.
Dans un premier temps, il a fallu réaliser des études de faisabilité du bateau, au vu de son aspect très innovant. En décembre dernier, une longue série d’études nous a permis de valider la construction prochaine du bateau. Aujourd’hui, nous sommes sur la deuxième phase de recherche pour rassembler les éléments afin de démarcher les chantiers navals et les fournisseurs. Quotidiennement, une équipe de 25 personnes travaille sur le Manta.
Au-delà du bateau, on a aussi, à votre image, développé un pôle éducation et sensibilisation. Nous souhaitons profiter de la présence du bateau à terre, de son côté médiatique et porteur d’image pour intervenir auprès des pays pollueurs comme le Sri Lanka, les Philippines ou l’Indonésie.
Pour l’instant, nous sommes confiants et gardons les objectifs annoncés au départ : trois années d’études et deux années de construction pour mettre le Manta à l’eau, en 2022.
Quelle a été la motivation première du projet ? Qu’est-ce qui vous a poussé à agir ?
Mon tour du monde a été assez révélateur. J’ai été directement confronté à la pollution aquatique, surtout des macro déchets. Je trouve qu’il n’y a pas assez de communication sur ce type de pollution et que les expéditions de repérage se sont concentrées sur les nano particules. Or, on voit bien que la pollution plastique ne se réduit pas aux microplastiques. De plus, les études révèlent que les fleuves et les rivières dégorgent de ces plastiques. Cela a conforté notre choix de cibler nos actions à la sortie des grands fleuves pour capter les grandes concentrations de macro plastique.
Récemment, un élément s’est ajouté : nous avons établi un partenariat avec une entreprise anglaise qui repère les déchets plastique sur la mer (jusqu’à 10 cm de long) grâce à des images satellites. Cette technologie va permettre de préparer en amont les trajectoires et les campagnes du bateau. Une belle aubaine pour nous !
Quel a été le point fort de votre expérience ?
A ce stade, la plus grande avancée technique est de réussir à rendre le bateau autonome au niveau énergétique. C’est notre plus grande difficulté. Nous avons déterminé un taux de 75% d’autonomie, ce qui est très ambitieux pour un bateau de 2 500 tonnes. Aujourd’hui, nous n’avons pas de références sur lesquelles nous appuyer. Par exemple, le Planetsolar est un bateau autonome mais n’est pas comparable au niveau du poids (90T) et n’est pas considéré comme un « bateau de travail ». Pour nous, il est hors de question de dépenser du gazole pour aller chercher des déchets plastique.
La collecte de déchets est le gros du projet. On a choisi un système de tapis roulants, trois entre chaque coque, immergés dans l’eau jusqu’à un mètre de profondeur. Cette technologie existe déjà, nous l’avons juste développé à plus grande échelle. La grande difficulté est de trouver la bonne combinaison entre les voiles, l’éolien et le solaire pour faire avancer le Manta et fournir l’énergie électrique dont on a besoin à bord. Il est là, le vrai défi.
Un message à faire passer ? Un autre projet en tête ?
Je pense qu’on arrive au bon moment, où les gens, la population des industriels, des politiques, ont compris qu’il fallait agir. Certes, il aurait fallu réagir 30 années plus tôt, mais par rapport à la prise de conscience collective, c’est le bon moment. C’est plutôt positif. L’idée n’est pas de s’arrêter à un bateau. A long terme, nous souhaitons créer une flotte pour un maximum d’efficacité et mettre les plans en open-data pour que le plus grand nombre puisse en profiter et s’en inspirer.
La pollution aquatique est une problématique pour laquelle lutte Surfrider, notamment à travers son programme phare des Initiatives Océanes, en sensibilisant le grand public. Aujourd’hui, le Manta est belle initiative pour collecter les macro déchets mais reste une alternative au problème. Il est nécessaire de réduire les déchets à la source, en introduisant un changement de comportements tant des consommateurs que des industriels.
Pour plus d’information sur la pollution aquatique regardez notre ocean report :