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Conteneurs maritimes toxiques, l’histoire d’une controverse

Le camion plein des déchets ramassés dans la décharge sauvage. Crédit: Aines Arizmendi

Le transport maritime constitue un risque sanitaire pour le personnel en mer et à terre du fait de la présence de gaz et de vapeurs toxiques dans les conteneurs. Agents des douanes, chauffeurs, manutentionnaires ou consommateurs, trop de personnes courent des risques, au quotidien, à cause de pratiques douteuses et négligées d’entreprises exportatrices. Le 12 février 2013, le Syndicat national des agents des douanes (SNAD CGT) a lancé une journée de sensibilisation sur la toxicité présumée des conteneurs maritimes. Leur but était d’alerter les pouvoirs publics et la population sur le danger que représente la présence de gaz dans les conteneurs maritimes. Préoccupée par ce problème global de plus en plus menaçant, Surfrider consultera, en cours d’année 2013, les syndicats pour évaluer les éléments mélioratifs à apporter aux législations européennes, pour une meilleure sécurité en mer.

Comment expliquer la présence de gaz et de vapeurs toxiques dans les conteneurs maritimes ?

Un million de conteneurs maritimes arrivent chaque semaine dans les ports européens. Parmi ces conteneurs, un sur cinq contient des gaz dangereux, cancérigènes ou neurotoxiques. La présence de ces gaz est due en partie aux fumigations, opérations nécessaires destinées à éliminer les moisissures et les insectes nuisibles durant le transport. Cela permet surtout d’éviter l’introduction, dans les pays importateurs, de parasites ou de bactéries porteuses d’épidémies de maladies.

Des procédures à suivre sont appliquées pour décharger les marchandises des conteneurs. On peut considérer qu’il existe trois catégories de « risques » : le risque « contrôlé », quand le conteneur maritime contient des gaz dangereux connus ; le risque « indéterminé », quand les professionnels manquent d’informations concernant les gaz présents dans le conteneur ; le risque « négligeable », quand le conteneur maritime ne contient pas de gaz dangereux. Concernant le risque « indéterminé », le danger peut prendre des proportions considérables car aucune information n’est donnée concernant la présence de gaz ou de vapeurs toxiques. Cela révèle surtout un laxisme des entreprises exportatrices qui ne se soucient pas d’informer les pays importateurs de la présence de gaz à l’intérieur des conteneurs.

Au-delà du facteur humain, élément fondamental dans la démarche de durabilité du transport maritime, il est important de soulever aussi le facteur environnemental. Car tolérer un tel laxisme est extrêmement préjudiciable pour l’environnement marin quand on sait que des porte-conteneurs peuvent, à la suite d’un accident, d’un incident ou d’une explosion, perdre des conteneurs en mer et laisser l’océan avaler des boîtes au contenu toxique. Pensons notamment au MSC Flaminia qui avait perdu en 2012 bon nombre de conteneurs en mer dont 37 au contenu hautement toxique. La perte de conteneurs en mer sera un enjeu soulevé dans le paquet Erika IV, défendu par Surfrider dans le cadre d’une sécurité maritime plus sûre tant en France qu’en Europe.

Naissance d’une controverse en France

Si les procédures ont lieu théoriquement « en toute sécurité », les risques d’asphyxie, d’engourdissement, d’intoxication, d’incendie ou d’explosion demeurent. Est-ce qu’un Etat responsable doit tolérer des pratiques relevant d’un professionnalisme tant négligé ? Si des décisions politiques sont encore inexistantes en France, beaucoup d’acteurs de la société civile se mobilisent aujourd’hui pour lutter contre ce problème sanitaire. A titre d’exemple, en 2010, une « alerte sanitaire » a été lancée en France par la CGT. Cette opération a été renouvelée le 12 février 2013 via notamment diverses opérations de sensibilisation dans six ports français : Fos, Marseille, Le Havre, Dunkerque, Nantes et Gennevilliers.

Par cette action, ledit syndicat français veut faire pression sur les pouvoirs publics afin que « des dispositions sérieuses de contrôle soient prises et que la protection des salariés (douaniers, dockers, manutentionnaires) soit assurée » (source CGT). Par exemple, il demande qu’une étude épidémiologique et un suivi médical pour les salariés exposés aux gaz et vapeurs toxiques afin que l’on ne soit pas, dans quelques années, confronté à un nouveau scandale de santé publique.

Des mesures existantes dans certains Etats membres

Si en France, les directives sont au point mort, des voix s’élèvent ailleurs en Europe… En 2010, aux Pays-Bas, en déchargeant un conteneur exporté de Chine, deux manutentionnaires avaient été grièvement intoxiqués. L’un est resté cinq jours dans le coma, l’autre a perdu l’odorat et le goût. Depuis, les douanes néerlandaises obligent les entreprises exportatrices à délivrer un certificat d’absence de gaz toxiques datant de moins de deux heures avant l’ouverture de leur conteneur. Une telle initiative est d’autant plus responsable que les gaz toxiques présents dans des conteneurs maritimes peuvent pénétrer dans l’organisme, par les voies respiratoires ou à travers la peau. La plupart de ces gaz attaque le système respiratoire et le système nerveux central. Il est temps de lever le voile et d’établir une politique européenne stricte afin d’éviter une nouvelle catastrophe de santé publique.

Léa Arrizabalaga, Rédactrice environnement

Le programme « Transport et infrastructures maritimes » vise à défendre une politique de développement durable dans le transport maritime européen. Il s’articule notamment en deux logiques : la recherche juridique et l’action en Justice qui permettent aujourd’hui à l’association d’être présente auprès des instances européennes et d’influencer les décideurs politique et juridique sur l’impact environnemental du transport maritime. En 10 ans de lobbying, l’association compte 18 procès pour dégazage.