Depuis 10 ans, Surfrider Foundation Europe mène une importante campagne de lobbying dans le domaine du transport maritime afin de permettre une évolution de la législation tendant vers plus de sécurité maritime. L’association se porte systématiquement partie civile lors de procès pour rejet illicite de substances polluantes depuis 2008. Si l’année 2012 avait été marquée par de nombreux accidents de toutes sortes, cette année 2013 aura quant à elle été aussi très riche en procédures devant les juges de première instance, appel et même Cour de Cassation.
Le palmarès des procédures 2013
Victoires, défaites, attentes de décision, c’est l’occasion de faire le point sur les derniers procès auxquels Surfrider a pris part…Sauf dans le cas du Mikhail Kutuzov, il s’agit ici de combats menés dans le cadre du programme Gardiens de la Côte. La complexité et les spécificités des rouages juridiques font que ces combats sont portés par les juristes de l’association, habilitées à plaider.
Tian du Feng : Verdict en septembre
Le 16 novembre 2010, les autorités de surveillance maritime française repèrent un navire avec dans son sillage une importante nappe d’hydrocarbures. Il s’agit du navire Tian du Feng battant pavillon Hongkongais. Le procès s’ouvre en juin 2011 à Brest au cours duquel le Ministère public requière une amende de 800 000 euros pour rejet illicite d’hydrocarbures. En septembre 2011, le verdict tombe : le capitaine et l’armateur sont relaxés. Mais le verdict ne reste pas sans appel, ainsi au côté d’autres associations Surfrider a interjeté appel de cette décision le 13 juin 2013 devant la Cour d’Appel de Rennes. Le délibéré est attendu pour le 26 septembre 2013. Nous espérons un revirement de situation, il ne fait aucun doute que la substance relâchée par le navire présente bien les irisations caractéristiques d’un hydrocarbure.
Valentia : Recours ultime de Surfrider
Le 11 novembre 2008, un avion des douanes françaises repère dans le sillage du cargo roulier le Valentia, une trace de pollution de 18km de long sur 50m au large de l’estuaire de la Gironde pendant le Vendée Globe. Le procès en 1er instance s’ouvre à Brest en juin 2009. Lors du délibéré en mai 2009, le tribunal condamnait l’armateur et le capitaine à une amende record de 2 millions d’euros dont 95% à la charge de l’armateur. La partie adverse fera alors appel et lors du délibéré de la cour d’appel de Rennes le 30 juin 2011, l’indemnité accordée à chacune des parties civiles dont Surfrider n’est plus que de 1000 euros et non 5000 euros comme accordée en 1er instance, de plus l’amende est quant à elle ramenée à 800 000 euros. La partie adverse forte de cette indulgence octroyée par la Cour d’Appel a décidé de se pourvoir en Cassation.Le 18 juin dernier Surfrider était représenté par son avocat spécialisé près de la Cour de Cassation. Le verdict est positif puisque la cour de Cassation a rejeté le pourvoi intenté par la partie adverse. C’est-à-dire qu’elle a rejeté l’argumentaire de la défense invoquant, une mauvaise interprétation ou prise en considération des articles de droit, par le juge. Ainsi la Cour de Cassation confirme la position de la Cour d’Appel et la condamnation des auteurs de l’infraction pour rejet volontaire illicite d’hydrocarbures. Une victoire définitive pour Surfrider, 5 ans après les faits.
Trefin adam : une nouvelle victoire pour Surfrider
Le 27 janvier 2012, un avion de la marine nationale constate une pollution par hydrocarbures longue de 12 km sur 200m dans le sillage du Trefin Adam, battant pavillon maltais, au-dessus des Bouches de Bonifacio. Le procès après renvoi s’ouvre à Marseille en mars 2013. Le délibéré est tombé le 20 mai dernier : 375 000 euros d’amende (300 000 euros pour l’armateur et 75 000 pour le commandant dont 50 000 euros à la charge de l’armateur). Cette procédure est une fois de plus frappée d’Appel, la défense entend infléchir cette sanction devant la Cour d’Appel d’Aix. Gageons que la juridiction de second degré soit sensible aux arguments environnementaux, qui plus est à l’encontre d’un navire battant un pavillon de complaisance.
SDS Rain : De Marseille à Paris les tribulations d’une poursuite assez inédite
Le 22 avril 2010 un avion de surveillance des douanes françaises constate la présence d’une pollution maritime par hydrocarbures de 22 km de long sur 50 m de large dans le sillage du SDS Rain battant pavillon italien à 18 km des côtes marseillaises. Le procès en première instance s’ouvre à Marseille le 11 janvier 2012. Un mois plus tard, l’armateur est condamné à 750 000 euros d’amende et la capitaine à 250 000 euros (dont 225 000 à la charge de l’armateur) soit 1 millions d’euros. La partie adverse fera appel de la décision et le 30 avril dernier, la Cour d’Appel d’Aix relaxe l’armateur et le capitaine. C’est la seconde fois que cette cour d’appel rend un tel jugement bien que les preuves semblent désigner sans ambiguïté la présence d’une pollution par hydrocarbures. Mais l’histoire ne s’arrête pas là puisque pour la première fois le parquet a formé un pourvoi en cassation pour rétablir un point de droit et par conséquent condamner la société. Une telle procédure étant inédite nous prenons conseil auprès d’experts et entendons rallier la plupart des parties civiles pour élaborer un positionnement commun en vue de cette nouvelle audience en Cassation
Mikhail Kutuzov : le grand classique
Le 28 aout 2012, une nappe de 20 km de long sur 50 m de large dans le sillage du vraquier battant pavillon russe Mikhail Kutuzov qui transportait du souffre. Le procès s’est ouvert au tribunal correctionnel de Brest le 4 avril 2013. Lors du délibéré rendu le 11 juin 2013 le commandant et l’armateur ont été condamnés à une amende de 800 000 euros. Une fois de plus la défense a fait Appel d’une décision de condamnation, nous attendons une date d’audience à Rennes.
Antidia Citores, coordinatrice lobbying et droit environnement qui suit ces procès avec attention nous rappelle que « la poursuite des auteurs de rejets illicites en mer est une mission de longue haleine, plein de rebondissement, de coup de théâtre lors des audiences et de technicité juridiques. Notre équipe de juriste appuyée par des avocats tend à déjouer les pièges tendus par la partie adverse amatrice de question préjudicielle de constitutionnalité (QPC) ou de témoignages multiples d’experts en tous genres. Nous sommes sereins et confiants quant au caractère dissuasif de ces longues procédures, nous continuons en parallèle des actions de lobby pour une utilisation de moyen technique de détection de nuit (infra-rouge et SLAR) ou satellitaire dans les procédures ». Des actions qui portent leur fruit puisque fin 2012 l’équipage du navire Carthage a été condamné pour un rejet de nuit. Enfin, la fin 2013 annonce aussi l’issue de quelques procédures dont nous ne manquerons pas de vous tenir au courant.
Emilie Chavaroche, Rédactrice Environnement
Le programme « Transport et infrastructures maritimes » vise à défendre une politique de développement durable dans le transport maritime européen. Il s’articule notamment en deux logiques : la recherche juridique et l’action en Justice qui permettent aujourd’hui à l’association d’être présente auprès des instances européennes et d’influencer les décideurs politique et juridique sur l’impact environnemental du transport maritime. En 10 ans de lobbying, l’association compte 18 procès pour dégazage.