Des conteneurs perdus en mer, ce n’est pas nouveau. Mais alors que les porte-conteneurs deviennent de plus en plus en gros – on parle de gigantisme – et que le trafic augmente, les pertes elles-aussi s’intensifient, d’où la notion de risque émergent. Qui plus est lorsqu’on considère les piètres moyens de les prévenir aujourd’hui.
Quand les porte-conteneurs perdent leur chargement dans l’océan : la faute à qui ?
Les conteneurs perdus présentent à la fois un problème de sécurité de la navigation et l’environnement. C’est pourquoi la France a décidé de saisir, conjointement avec l’Espagne, l’Organisation Maritime Internationale (OMI), pour que les moyens de prévenir les pertes de conteneurs soient étudiés ; voici qu’elles ont été les recommandations :
- l’établissement d’un régime obligatoire et spécifique de déclaration formatée des pertes de conteneurs
- la mise en oeuvre de mesures pour détecter et positionner les conteneurs perdus dans les zones sensibles (AMP, zones de pêche démersale, etc)
- l’amélioration des conditions et les moyens d’assujettissement des conteneurs à bord des grands navires
- la définition d’un dispositif de mesure en temps réel des efforts subis par les piles de conteneurs, afin que l’équipage puissent adapter les conditions de navigation (route, vitesse)
Examinées pendant la session du 8 au 12 octobre, l’OMI a jugé qu’elles allaient au-delà de la simple prévention de perte de conteneurs et a ainsi demandé à ce que ces recommandations soient reformulées. Ce souci de forme ne remet nullement en cause le bien-fondé de cette démarche sollicitée par Surfrider notamment à l’occasion du livre blanc sur la sécurité maritime.
Pour rappel, le Svendborg Maersk avait perdu 598 conteneurs en février 2014 au large des côtes bretonnes, en pleine tempête Ulla. Au total, près de 800 conteneurs sont tombés à l’eau au cours de différentes tempêtes hivernales en 2014. Entre 2011 et 2013, l’OMI chiffre la perte de 2683 conteneurs en moyenne par an (catastrophes incluses) incluant dans ce calcul les plus de 4000 boites perdues par le MOL COMFORT en 2013 dans l’Océan Pacifique.
Une étude sur l’accidentologie des porte-conteneurs
Surfrider Foundation Europe avait établi les porte-conteneurs et leurs pertes comme « risque émergent » face au vide juridique et risques techniques mal maîtrisés, des problématiques qui s’illustrent à chaque perte. Des conteneurs tombent à l’eau ? Le capitaine est censé les signaler mais n’a cependant aucune obligation conventionnelle. A ce jour, des questions sur la responsabilité de l’accident, sur la qualification des conteneurs perdus (sont-ils des déchets ?) n’ont pas de réponse juridique harmonisée. Face à ces questions, Surfrider mène une enquête sur l’accidentologie environnementale des porte-conteneurs, identifiant pour chaque perte des causes, afin de proposer des recommandations appropriées à la réalité de ce transport spécifique transport maritime. L’encadrement a minima préviendrait de réduire les cas de pertes notamment en améliorant certains point techniques relatifs à l’empilement et la fixation des conteneurs.
Le besoin d’un encadrement juridique : une réalité pressante
Dans la réalité, le manque d’encadrement se fait sentir à chaque perte d’un porte-conteneurs. Pour exemple, le cas du Svendborg Maersk avait révélé que la déclaration de perte du capitaine ne correspondait pas au nombre de conteneurs effectivement perdus, un chiffre comptabilisé par le port une fois que le navire était arrivé. Par ailleurs, aucun contrôle ne vient sanctionner la mise en chargement des conteneurs eux-mêmes et leur empilage. De plus, seule la capacité indicative du navire vient limiter le nombre de conteneurs à bord, en dehors de tout contrôle de poids réel effectué, autrement dit, le poids total d’un chargement composé d’un même nombre de conteneurs peut changer significativement selon le contenu des conteneurs. Le triste exemple du MOL Comfort, qui s’était coupé en deux sous le poids de son chargement montre qu’un contrôle du poids réel aurait été nécessaire pour prévenir cet accident.
Si les propositions de la France et l’Espagne n’ont pas été retenues car allant au-delà de la simple prévention de perte de conteneurs, l’absence d’obligation conventionnelle, malgré la Convention Marpol, rend urgent le besoin d’encadrer ce qui est aujourd’hui un important risque émergent, autant pour la sécurité de navigation que pour l’environnement.
Alban Derouet, Rédacteur environnement
Crédits photos: Marine nationale
Pour en savoir plus le Rapport Sécurité Maritime est consultable et téléchargeable (en français, en anglais et en espagnol) sur le site calameo.com.