Surfrider Foundation Europe accueillait récemment l’artiste chinois Liu Bolin au sein des locaux de Biarritz pour une performance sans précédent. Engagé pour les océans et le littoral, « l’homme caméléon » s’est fait disparaître en live-streaming devant un mur de déchets réalisé avec la participation d’une école et d’un collège de Biarritz.
- Surfrider : Liu Bolin, présentez-vous-en quelques mots…
Liu Bolin : Je suis quelqu’un de simple et de sensible à l’environnement. J’ai la chance de pouvoir vivre de mon art. J’essaie d’utiliser mes compétences et ma réflexion pour réaliser mes idéaux artistiques. Pour l’instant, je me considère comme heureux et chanceux d’être un artiste en Chine.
- Pourquoi avez-vous décidé de disparaître pour les océans dimanche 11 juin dans les locaux de Surfrider Europe ?
Cela fait 12 ans que je travaille sur la série « Hiding the city ». J’utilise 2 éléments dans cette série : mon corps et le décor. De manière générale, je m’inspire des contradictions de notre société et des problèmes auxquels nous sommes confrontés pour disparaître dans un contexte donné. Et j’exploite mon travail pour m’interroger et questionner l’autre. C’est pourquoi avec la galerie Paris-Beijing, nous avons décidé d’organiser cette performance avec Surfrider.
La pollution des océans ne concerne pas seulement la France, c’est un problème mondial. J’ai choisi les déchets marins comme toile de fond afin de soulever la problématique du consumérisme et des conséquences de nos choix au quotidien.
C’est une chance immense de travailler avec les enfants, qui plus est indispensable. Cela rend mes travaux plus puissants. Je crois en un dialogue créatif avec les enfants, j’aime entendre leurs idées et les faire participer activement au processus créatif.
- Comment avez-vous décidé d’expérimenter l’art de vous camoufler ?
Lorsque mon studio a été démoli en 2005, j’ai traversé un moment particulièrement difficile. Je n’avais plus d’autre support que mon propre corps… Il m’a donc semblé logique de l’utiliser en me cachant pour attirer l’attention du grand public sur les conditions de vie difficile des artistes à travers le monde. Cela fait 12 ans maintenant que je travaille sur la série « Hiding in the City » et que je m’attèle à approfondir la réflexion sur le développement de notre civilisation et de nos sociétés.
- Quel est l’endroit le plus fou où vous avez disparu ?
J’ai expérimenté l’un de mes travaux les plus fous il y a un mois sur les glaciers islandais. En effet, pour mettre la focale sur le réchauffement climatique, j’ai pris une photo d’un iceberg à la dérive et je me suis camouflé. L’environnement était hostile et les conditions météorologiques très défavorables, mais j’ai malgré tout insisté pour finaliser la performance !
- Quel message souhaitez-vous faire passer aux générations futures ?
Nous exigeons trop de la nature et de l’environnement. Nos désirs dictent trop souvent nos comportements. Mais nous réaliserons bientôt combien nous sommes minuscules face aux immenses problèmes qui nous attendent. Il me semble que mes travaux contribuent à ce titre à la réflexion pour les générations futures. Comment harmoniser la relation entre l’être humain et son environnement ? Il est possible de se questionner et de trouver les réponses concrètes à travers l’art.
Liu Bolin, l’artiste caméléon s’engage pour les Océans
Dit « Homme invisible » ou « caméléon humain », Liu Bolin est un artiste engagé. Depuis le début de sa carrière, l’écologie est l’un des sujets centraux de ses oeuvres. Après avoir bravé les eaux polluées d’une des régions les plus industrialisées de son pays ou encore posé devant une forêt artificielle visant à freiner la progression du Désert de Gobi dans la Chine septentrionale, l’artiste collabore avec Surfrider afin de sensibiliser l’opinion à la problématique des déchets aquatiques. Une performance qui prend corps dans le contexte d’une exposition à venir au Centre Georges Pompidou, où les oeuvres de l’artiste seront exposés au mois de septembre au sein de la Galerie des Enfants, dans le cadre des 40 ans du musée sous le commissariat de Stéphane Villard et de Gaëlle Gabillet.
Une performance artistique retransmise en live streaming !
Le dimanche 11 juin, Liu Bolin s’est fait disparaître dans les locaux de Surfrider Foundation Europe. Une performance non ouverte au public mais retransmise en live streaming et suivi par plus de 10 000 personnes sur Facebook et par près de 5000 personnes sur Youtube. Mené dans le cadre d’un partenariat avec des scolaires de Biarritz et le dispositif Art Campus de Surfrider, ce « happening » a permis de sensibiliser des dizaines de milliers de personnes à la problématique des déchets marins.
Afin de créer des liens entre l’art et la pédagogie, l’Art Campus organise régulièrement des projets faisant se rencontrer les 2 publics. Durant l’année scolaire, la classe de CE1-CE2 de l’école des Pyrénées et les élèves de cinquième du collège Villa Fal de Biarritz, ont intégré la problématique des déchets marins à leur programme scolaire. C’est ensemble qu’elles ont conçu le décor qui a permis à Liu Bolin de mener à bien sa disparition. Elles ont également transmis dans les différentes écoles de la ville, une bouteille à la mer, incitant les élèves, enseignants, et structures d’éducation à organiser des collectes de déchets dans le cadre des Initiatives Océanes.