Surfrider Foundation Europe, ClientEarth et Zero Waste France mettent en demeure 9 géants de l’agroalimentaire et de la grande distribution pour l’insuffisance de leurs actions dans la réduction des risques liés à la pollution plastique. A travers ces mises en demeure fondées sur la Loi Devoir de vigilance du 27 mars 2017, nous demandons expressément aux entreprises Auchan, Carrefour, Casino, Danone, Lactalis, McDonald’s, Les Mousquetaires, Picard et Nestlé de répondre à notre inquiétude et de respecter leurs obligations légales.
Pourquoi épinglons-nous ces entreprises ?
Le plastique est omniprésent dans les activités et la chaîne de valeur (comprenant les filiales, fournisseurs, transporteurs, clients) de ces entreprises :
• Dans les produits finis et les emballages : elle représente la plus grande et la plus visible des parties de la pollution plastique. Mais ce n’est pas tout.
• Dans les processus industriels : les barquettes, les granulés de plastique utilisés comme matière première, les biomédias pour filtrer les liquides
• Pour le transport des marchandises : film plastique pour le transport de palettes, caisses.
• Pour la promotion des produits : goodies, échantillons, papiers plastifiés, publicités sur le lieu de vente
• Dans la fabrication des matières premières : bâches agricoles pour recouvrir les sols ou protéger les bottes de foin
La production de déchets plastique dans le monde a quasi doublé entre 2000 et 2019 et pourrait tripler d’ici à 2060. Il est nécessaire de réduire l’utilisation du plastique à tous les niveaux de la société et les entreprises ont un rôle majeur à jouer. Plus d’information sur la dépendance des entreprises au plastique : Le plastique : un fléau industrialisé
Les 9 entreprises visées sont soumises à la loi sur le devoir de vigilance. Au regard des atteintes graves et irréversibles liées à l’utilisation du plastique sur notre environnement et notre santé, elles doivent agir pour en limiter la cause. Ces entreprises, par leur taille et leur influence sur les marchés, sont considérées comme des « donneurs d’ordre » et ont le pouvoir de faire bouger tout un secteur d’activité. En tant que leaders, elles doivent montrer l’exemple et s’engager dans une réduction importante de leur utilisation du plastique.
À ce jour, aucune des entreprises mises en demeure n’a adopté les mesures de vigilance adaptées à la nature des risques liées à l’utilisation des plastiques. Il est nécessaire pour ces entreprises d’engager dès maintenant une trajectoire de déplastification permettant de limiter leur impact sur les écosystèmes et sur notre santé.
Le plan de vigilance, une obligation légale qui doit tenir compte des problématiques environnementales
La loi française sur le devoir de vigilance du 27 mars 2017 a été adoptée en réaction au drame du Rana Plazza : après l’effondrement d’une usine textile au Bangladesh en 2013 faisant plus de 1100 morts, la découverte d’étiquettes de plusieurs marques célèbres de prêt-à-porter dans les décombres a ému l’opinion. Jusqu’ici les entreprises n’étaient pas jugées responsable de ce qu’il se passait dans leur chaîne de valeur.
Les grandes entreprises, ayant plus de 5000 salariés en France ou 10000 salariées en France et leurs filiales étrangères, doivent publier chaque année un plan de vigilance identifiant les risques environnementaux et sociétaux résultant de leurs activités, de celles de leurs filiales, et de leurs fournisseurs et sous-traitants. Ces plans doivent comporter les mesures de limitation et de prévention adaptées à la gravité de ces atteintes, ainsi qu’un compte-rendu de la mise en œuvre de ces mesures. A ce titre, étant donné l’ampleur de la crise du plastique, les entreprises doivent apporter des réponses satisfaisantes sur le sujet.
Qu’en est-il des plans de vigilance des entreprises mises en demeure sur la déplastification de leurs activités ?
• Certaines ont publié des plans comportant des mesures incomplètes et insatisfaisantes sur le plastique
• Certaines n’ont pas jugé utile d’évoquer le plastique dans leur plan.
• Et certaines n’ont même pas pris la peine de publier un plan de vigilance.
La loi sur le devoir de vigilance en France nous donne la possibilité d’interpeller les entreprises pour remédier à l’insuffisance de leurs actions. Si elles ne corrigent pas ces manquements de vigilance, nous pourrons alors sous 3 mois saisir la justice pour demander des comptes aux entreprises dans la continuité de notre engagement sur le terrain avec cette demande : la réduction du plastique à la source.
Concrètement, qu’est-ce que nous demandons ?
1. Un bilan plastique complet de l’entreprise sur toutes ses activités et sur sa chaîne de valeur
2. Sur la base de ce bilan, construire un plan de déplastification avec des objectifs chiffrés et datés et s’y tenir.
Parmi les entreprises mises en demeure, aucune n’a été capable de publier de tels éléments.
Nous demandons à ces entreprises de s’inscrire dans une démarche plus responsable et de prendre à bras le corps la question de la pollution plastique. Trop souvent seul le recyclage est mis en avant par les entreprises dans la lutte contre la pollution plastique. En sachant qu’au niveau mondial seuls 9% des déchets plastique ont été recyclés en 2019 selon l’OCDE, il ne peut être la seule solution à la consommation excessive de plastique. Le recyclage ne permet pas de supprimer tous les risques environnementaux liés à l’utilisation du plastique, sans parler des risques liés à la santé ou aux droits humains auxquels le recyclage n’apporte aucune solution. Nous demandons aux entreprises de prendre des engagements pour réduire leur consommation de plastique à la source.
Parmi ces 9 entreprises, certaines figurent parmi les 10 entreprises qui produisent le plus de déchets plastique dans le monde. Face à l’urgence de la lutte contre la pollution plastique pour la préservation de notre environnement et notre océan, nous leur demandons de prendre leur responsabilité et d’agir concrètement pour diminuer leur utilisation du plastique.