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La carte des zones d’implantation de l’éolien en mer enfin dévoilée

Près de 6 mois après la fin du grand débat public “La mer en débat”, concernant l’avenir de l’Océan et le développement de l’éolien en mer, le gouvernement a publié, le 18 octobre dernier, les cartes des futures zones d’implantation des éoliennes en mer et des secteurs d’étude pour les zones de protection forte (ZPF) pour la biodiversité pour les 10 ans à venir.

Pour rappel, le débat public, organisé du 20 novembre 2023 au 26 avril 2024, avait pour but récolter les avis et points de vues des différentes parties prenantes et des usagers de la mer sur l‘avenir de la mer en France Hexagonale, la cohabitation des usages, et la protection du milieu marin. L’objectif final étant de permettre la mise à jour des documents stratégiques de façade, c’est-à-dire les documents qui organisent les différentes activités en mer, à l’échelle des 4 façades maritimes métropolitaines (Manche Est Mer du Nord (Hauts-de-France/Normandie), Nord Atlantique Manche Ouest (Bretagne/Pays de la Loire), Sud Atlantique pour la Nouvelle Aquitaine et Méditerrannée (Corse/Occitanie/Provence Alpes Côte d’Azur).

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Lire aussi : La Mer en Débat – que retient-on ?
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Au coeur de ce débat, deux enjeux nous intéressaient particulièrement : la planification de l’éolien en mer et le développement des zones de protection forte (ZPF).

Pour cette raison, la publication au journal officiel des cartes mettant en avant les propositions du gouvernement a particulièrement retenue notre attention et nous souhaitions mettre en exergue les points suivants :

⚡ Pour commencer, il est important de préciser que cette décision du gouvernement est la réponse officielle aux conclusions du débat public (publiées fin juin 2024). Elle valide également la planification de l’éolien en mer, avec pour objectif de lancer, avant la fin de l’année, un nouvel appel d’offres pour installer environ 7 GW d’éoliennes en mer. Cette décision est une étape nécessaire avant la mise à jour des documents stratégiques de façade, qui sont des plans régionaux organisant les activités en mer. Ces documents seront ensuite ajustés par les services locaux de l’État pour tenir compte des décisions prises au niveau national.

⚡ Cependant, la procédure pour les mises à jour des documents stratégiques de façade (DSF) est encore loin d’être finie : les projets seront soumis à avis (consultatif) de l’autorité environnementale et à analyse environnementale stratégique avant la fin de l’année 2024. Des consultations aux échelles locales seront mises en place pour les valider. Leur approbation finale est prévue à l’été 2025.

⚡ Entre la fin du débat public et cette décision interministérielle, un appel d’offre de 2,4 GW a déjà été lancé par l’Etat, concernant les extensions des parcs éolien d’Oléron, de Méditerranée, et de Bretagne Sud.

⚡ Pour les zones prioritaires désignées par l’État pour l’éolien en mer, des études environnementales vont commencer dès la fin de l’année 2024. Ces études porteront à la fois sur les parcs éoliens et sur leur connexion au réseau électrique. Elles se dérouleront en même temps qu’une analyse globale de l’impact environnemental des projets, mais la façon dont ces deux démarches vont s’influencer et se compléter reste pour le moment inconnue.

⚡ Ces zones prioritaires concernent une puissance totale d’environ 7 GW en mer, répartis relativement équitablement entre les 4 façades, dont 2 GW d’éolien flottant en Méditerranée. Les lauréats de cet appel d’offre pour les différents parcs éoliens en mer seront connus en 2026 si le planning est respecté.

⚡ Au delà de ces zones prioritaires à effet quasi immédiat, un appel d’offre de 6 autres GW sera lancé ultérieurement mais à relativement cours terme, de sorte que les parcs correspondants soient en fonctionnement en 2040.

⚡ Comme nous l’espérions, la décision de l’Etat présentée dans les documents officiels acte une volonté de privilégier et de miser sur l’éolien flottant plutôt que sur le posé (sauf en MEMN, où les faibles profondeurs du plancher océanique permettent de poursuivre le développement à court terme de l’éolien posé).

⚡ Les futurs parcs seront tous éloignés d’au moins 22 km des côtes, ce qui représente une nette amélioration par rapport aux premiers parcs français. Les zones trop proches des côtes concentrent en effet de nombreux enjeux environnementaux.

⚡ Nous sommes satisfaits de voir que les autres EMR ont aussi attiré l’attention de l’Etat : La décision interministérielle met également en valeur la prise en compte de l’intérêt marqué du public pour le développement de l’hydrolien, notamment en Normandie. Il n’est en revanche pas fait mention du houlomoteur.

D’autres éléments, dont nous avons pris connaissance lors de la lecture des documents rendus publics par l’État ont quant à eux soulevé certaines inquiétudes :

⚠️ Dans ses réponses au rapport des garants du débat public, sur de nombreux points, l’Etat se contente de faire un état des lieux de ce qui existe déjà, sans donner de pistes d’amélioration, de réflexions, ou de chantiers à lancer. Dès lors, il ne semble pas que ce débat public puisse jouer un rôle majeur dans les politiques de l’Etat sur la mer.

⚠️  La zone prévue pour l’éolien en mer en Méditerranée est entièrement située dans une zone Natura 2000, protégée pour la conservation du grand dauphin (mais pas spécifiquement pour les oiseaux, bien qu’ils soient nombreux dans cette région, comme partout sur les côtes françaises).
Nous avons souligné, avec d’autres ONG, l’importance de rester prudents quant à l’installation de parcs éoliens dans cette zone. Si nous reconnaissons la pertinence du développement de l’éolien en mer, nous insistons pour que cela ne se fasse pas de manière précipitée.
Nous recommandons d’attendre les résultats des projets pilotes déjà en place, des études en cours sur les migrations des oiseaux, et une analyse approfondie de la compatibilité entre l’éolien flottant et la protection du grand dauphin.
Valider dès maintenant 2 GW d’éolien flottant en Méditerranée semble donc prématuré.

⚠️ Bien que l’État semble avoir compris l’importance des impacts cumulés sur l’environnement, sa réponse se limite à lister les études en cours, sans vraiment expliquer comment ces résultats seront pris en compte dans la planification des projets d’éolien en mer et des autres activités maritimes. Pour l’instant, il ne semble pas y avoir de volonté claire de la part de l’État de réduire certaines activités existantes (ou « historiques ») afin de diminuer la pression sur les écosystèmes marins et de « faire de la place » pour le développement de l’éolien en mer, qui est pourtant un nouvel usage dont nous ne pouvons malheureusement pas nous passer.

⚠️ L’État envisage la possibilité de labelliser certains parcs éoliens en mer comme Zones de Protection Forte (ZPF), ce qui semble incohérent, car il est difficile voire impossible de concilier des activités industrielles avec les objectifs de protection stricte de ces zones. De plus, il souhaite maintenir la pêche au sein de ces parcs, ce qui est encore moins compatible avec le statut de ZPF, où la protection de la biodiversité devrait primer sur toute autre activité.

Nous sommes ainsi dubitatifs sur la réelle cohérence de l’Etat en matière de protection de l’environnement et prise en considération des impacts cumulés (point de vigilance largement souligné par Surfrider au cours du débat public).

⚠️ Parmi les zones de développement de l’éolien en mer prévues à l’horizon 2050, certaines chevauchent des parcs naturels marins, notamment en Manche Est Mer du Nord (MEMN) et en Méditerranée. Cela montre que l’État n’a pas, pour l’instant, exclu les aires marines protégées de ses projets éoliens, et il ne semble pas considérer la situation particulière en Méditerranée, où les zones protégées et les projets éoliens se superposent, comme une exception.

⚠️ Le calendrier et les ambitions relatifs aux ZPF sont bien moins avancés, aboutis et ambitieux que pour l’éolien en mer : de toute évidence, le niveau de priorité pour l’Etat n’est pas le même, alors qu’il est urgent de déployer des outils plus efficace de protection et de conservation du milieu marin

⚠️ Il est aussi regrettable que les cartes publiées par l’État ne combinent pas les enjeux de protection de l’environnement avec le développement de l’éolien en mer. Ce manque avait déjà été signalé pendant le débat public, et à l’époque, des cartes supplémentaires avaient été demandées et finalement créées. Il est dommage que cette leçon n’ait pas été retenue lors de la réponse au bilan du débat public.

L’État a finalement précisé que les prochaines étapes concernant le développement de l’éolien en mer et la protection des zones marines se feront en concertation avec le grand public et la société civile au niveau local. On note notamment la création d’instances de concertation et de suivi pour chaque nouveau parc éolien.

Toutefois, il reste à voir si les retours des acteurs locaux seront effectivement pris en considération, et quel degré d’implication sera possible. Le terme concertation est galvaudé, et a la fâcheuse tendance d’être attribué aussi bien aux instances d’information (comme le comité des parties prenantes de l’éolien en mer, ou la majorité des COPIL Natura 2000 pour ne citer que quelques exemples), qu’aux instances de consultations. La réelle concertation implique une prise en compte des avis dans la décision finale et est loin d’être automatique. L’engagement de l’État à intégrer leurs préoccupations dans les décisions finales sera un élément clé à surveiller pour garantir une gestion durable des écosystèmes marins et des projets d’énergies renouvelables.

Crédit photo : ZhiCheng Zhang via Pexels