« Les mers et océans de l’Union européenne ne sont pas en bon état écologique ». Vous avez bien lu cependant cette phrase n’est pas celle de Surfrider, mais de la Commission européenne. Un premier bilan vient de paraitre portant sur l’application par les Etats membres de la directive européenne « Stratégie pour le milieu marin ». Indicateurs alarmants, manque d’ambition, manque d’efforts, ignorance des normes, manque de coordination, tout y passe pour conclure que l’attitude générale des Etats membres contribue à la mauvaise santé de nos mers et océans. Sans surprise, le plastique est dénoncé comme un « problème croissant ». En regardant de plus près les alternatives présentées comme solution miracle – sacs « oxo-dégradables », « biodégradables », « bioplastiques » – l’enthousiasme qu’elles provoquent se dégrade plus vite que ces plastiques, sauf que l’enthousiasme lui, disparait complètement.
Point de non-retour
La directive avait été adoptée en juin 2008, et demandait aux Etats membres de fixer des objectifs afin de parvenir à un bon état écologique du milieu marin. Le rapport publié le 20 février dernier fait état d’un manque d’ambition généralisé avant de conclure que les mers et océans européens ne sont pas en bon état écologique. La Commission, qui indique un manque d’ambition global, accuse les pays d’Europe, d’avoir fixé des objectifs sans coordination entre eux, sans cohérence pour un même milieu marin (Atlantique Nord-Est, Méditerranée, Mer Noire). Le rapport stipule que ce manque de coordination, preuve d’un manque d’ambition, constitue un « frein à l’amélioration de la situation », avec des objectifs n’étant « pas communs ou comparables ». Un manque qui se retrouve sur d’autres aspects. La directive « Habitats » adoptée en 1992 par l’Union européenne, fixe des critères pour une protection et gestion des habitats, de la faune et de la flore : la Commission pointe du doigt que certains États membres « ignorent » manifestement ces critères. Cette ignorance flagrante menace les stocks halieutiques en mer Noire et Méditerranée (88% du stock halieutique en danger) et Atlantique (40% du stock surexploité), même si le rapport fait état d’une amélioration dans les activités de capture qui deviennent, lentement, plus durables.
Sur les différents contaminants identifiés, la Commission critique le contraste d’une attention très portée sur certaines substances, en ignorant totalement d’autres. Même si l’on constate une diminution de la pollution marine à certains endroits, la présence des substances dangereuses se trouve toujours globalement au dessus des limites acceptables.
Les déchets marins sont désignés comme un « problème croissant » par la Commission, comme une « invasion » par Surfrider : 90% des oiseaux de mer ont du plastique dans l’estomac ! « Des efforts urgents sont nécessaires pour que le milieu retrouve un état satisfaisant d’ici à 2020 » statue le rapport.
De l’ambition, de la volonté et des efforts: Surfrider
En termes d’efforts, réels, Surfrider mène depuis 2009 des actions de lobbying pour lutter contre les déchets plastiques, dont les sacs plastiques. Pendant la conférence Let’s Bag It, Antidia Citores, coordinatrice pour le Lobbying Surfrider, faisait profiter de l’expertise de Surfrider pour démontrer que les sacs plastiques à usage unique constituaient une problématique urgente. Face à une recherche obsessive de dites « alternatives » aux plastiques actuels, le message de Surfrider dit plutôt que la vraie alternative se trouve dans le réutilisable et durable, contre la fâcheuse habitude de l’usage unique, synonyme de gaspillage.
Pourquoi ? Un paradoxe existe avec le plastique, notamment les sacs plastiques : une durée de vie longue pour un temps d’utilisation extrêmement réduit. Créé à partir de ressources précieuses – comprendre « qui s’épuisent » – le produit pastique est amené à couter de plus en plus cher aux industriels. C’est pourquoi la recherche se tourne vers les agro-plastiques, pour lesquels les industriels usent et abusent du terme « bioplastique », pour faire croire à une « alternative verte ». En réalité, les bénéfices environnementaux n’ont jamais été démontrés. Fausse alternative, ils ralentissent la transition des sacs plastiques aux sacs réutilisables, et n’incitent pas à la recherche d’alternatives pour ce qui est du domaine des usages.
Du plastique reste du plastique
Oxo-dégradable, agro-plastique, bioplastique, biodégradable, il existe beaucoup de dénominations qui jettent la confusion chez le consommateur. A des fins d’informations, voici un petit tour d’horizon de ce que vous pouvez rencontrer :
- Les oxo-dégradables : les produits estampillés « oxo » sont des plastiques ordinaires auxquels des additifs ont été ajoutés pour accélérer le processus de dégradation. Les industriels peuvent jouer sur les termes en disant que les additifs disparaissent dans la nature, par contre, le produit lui, s’il devient invisible à l’oeil nu ne reste pas moins présent dans l’environnement, et représente donc une menace.
- Les agro-plastiques : créé à partir de matières végétales, les agro polymères (amidon, cellulose en autres) issus de céréales, pomme de terre, bois, etc… Leurs bénéfices environnementaux restent à démontrer : la plupart sont créés avec de l’acide polyactique, un équivalent du plastique très proche du polyéthylène téréphtalate (PET), leur production consomme beaucoup d’eau (ressource précieuse et limitée), et bien que produit à partir de matières végétales, tous ne sont pas biodégradables !
- Les biodégradables : pas entièrement ! Au moins 90% sont assimilés par les micro-organismes dans le processus de dégradation. Ils peuvent être autant issus de matières végétales que de la pétrochimie.
- Les compostables : font partie des biodégradables, ils se dégradent en centre de compostage. Ils peuvent contenir des éléments destinés au compost, et se dégrade dans le même temps…plutôt les 90% en 180 jours.
Encore une fois, la vraie alternative reste dans la recherche de produit durable et réutilisable. Qu’ils soient compostables, ou biodégradables, dégradables, le processus de dégradation ne fait pas disparaitre les plastique de l’environnement. Après le rapport alarmant de Bruxelles sur l’état de nos mers et océans en Europe, il est à rappeler que rien ne se crée, tout se transforme, et donc que rien ne disparait, encore plus vrai lorsqu’il s’agit de plastique.
Alban Derouet, Rédacteur environnement.